Une église-sanctuaire au cœur de Toulouse

Sanctuaire Saint-Jérôme L'adoration perpétuelle au cœur de Toulouse

Homélie de Mgr JP. BATUT Messe mémorielle pour les victimes d’abus Dimanche 10 Mars 2024

Père Michel Pagès |  13 mars 2024

En ce quatrième dimanche, nous voilà parvenus au milieu du Carême. Un Carême que nous avons sans doute abordé avec beaucoup de bonne volonté et quelques décisions concrètes pour essayer de bien le vivre. Mais au fil des jours, nous avons peut-être aussi expérimenté la difficulté de durer dans ces décisions : c'est un phénomène d'usure auquel personne n'échappe. Tenir dans la fidélité n'est jamais facile, et c'est pour cela qu'il est bon que le Carême dure un certain temps : car le Carême n'est pas fait pour nous glorifier de notre force, il est fait pour expérimenter notre faiblesse et pour apprendre à ne pas nous appuyer sur nous-mêmes, mais sur le Seigneur.

Les évangiles de chaque dimanche nous accompagnent sur ce chemin. Le premier dimanche, celui de Jésus au désert, nous remplit d'espérance en nous montrant Jésus qui combat pour nous. Le second, celui de la Transfiguration, nous a réconfortés en nous rappelant que nous marchons avec lui vers la résurrection. Le troisième, celui de la purification du Temple, nous a invités à imiter l'amour de Jésus pour la Maison de Dieu que nous sommes, et son ardeur à en éliminer tout ce qui la défigure. Alors, avec une ardeur nouvelle, nous avons retroussé nos manches et nous nous sommes remis au travail pour désencombrer notre vie de ce qui fait obstacle à l'action de Dieu en nous… Mais aujourd'hui, en ce quatrième dimanche, l'accent est différent : il s'agit moins d'essayer d'imiter Jésus que de le contempler. Et de le contempler dans cet événement paradoxal que saint Jean appelle son « élévation » (« il faut que le Fils de l’homme soit élevé« ), c’est à dire sa mort sur la croix.

La croix a été préfigurée par le serpent de bronze élevé par Moïse dans le désert. Le serpent incarne le paradoxe de la croix : car le serpent donne la mort par sa morsure, et les Hébreux dans le désert étaient mordus par des serpents. Mais quand Moïse intercède auprès de Dieu pour le peuple, Dieu lui ordonne de fixer un serpent de bronze sur un mât, et lorsque quelqu'un est mordu par un serpent il lui suffit de regarder le serpent de bronze pour rester en vie.

La croix est préfigurée par ce serpent de bronze : c'est un agent de mort qui devient source de vie, et c'est donc une prophétie de la croix. Devant la croix comme devant le serpent de bronze, il n'y a rien à faire de particulier : il s'agit seulement de prendre le temps et d'avoir le courage de regarder. Je parle de courage, car ce qui est à regarder n'attire pas nos regards. La croix n'est pas belle, elle est terrible. La croix, dans sa laideur, nous repousse, et la défiguration du Crucifié nous accuse. Et pourtant, nous sommes conviés à la regarder, parce qu'elle est le lieu du salut.

L'évangile de ce jour ne s'en tient pas à nous rappeler cette vérité fondamentale, il nous en donne la raison. Elle tient en quelques mots : « Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils unique. » La croix, cet engin de mort, est source de vie et de salut parce qu'elle résulte d'une double décision libre qui est un double choix d'amour. Double décision du Père qui donne son Fils unique, et du Fils unique qui se donne lui-même. Il n'y a aucune fatalité dans la croix : « ma vie, a dit Jésus, nul ne la prend, mais c'est moi qui la donne. J'ai le pouvoir de la donner et le pouvoir de la reprendre » (Jn 10, 18).

Par le choix libre de l'amour de Dieu, ce « grand amour dont il nous a aimés » dit l'Épître aux Éphésiens, le signe de mort est devenu source de vie. Mais attention : il est source de vie à condition d'être reçu par des libertés humaines qui se laissent toucher et transformer par lui. Il peut arriver en effet qu'il ne soit pas reçu : l'humanité a la capacité redoutable de dire non au salut que Dieu lui offre. Mais il peut arriver pire encore : il peut arriver que le don de Dieu ne soit reçu qu'en apparence, qu'il soit reçu pour être dénaturé, instrumentalisé par l'homme et retourné contre Celui qui le donne. Il y a là quelque chose de terrifiant, et disons-le, de démoniaque. Bernanos, dans le Journal d'un curé de campagne, comparait cela à une « eau noire et profonde », un « lac de boue toujours gluant sur quoi passe et repasse vainement (!) l'immense marée de l'amour divin ». Car nous devons le reconnaître : si Dieu est capable, dans son amour, de retourner le signe de mort en signe de vie, des hommes sont aussi capables, dans leur pacte avec le mal, de retourner à nouveau le signe de vie en signe de mort – d'instrumentaliser le don de Dieu pour le mettre au service de leur propre perversité. C'est ainsi qu'on a pu, par exemple, voir le sacrement du pardon perverti par des abuseurs pour profaner l'intimité psychique ou physique des personnes.

En ce dimanche nous faisons mémoire des personnes victimes d'abus dans l'Église. Cette journée mémorielle a été reportée du vendredi 8 mars dans ce sanctuaire Saint Jérôme, de manière à toucher un plus grand nombre de fidèles. Depuis quelques années se lèvent de plus en plus des hommes et des femmes victimes d'abus qui osent prendre la parole. Ils ne le font pas seulement pour dire ce qu'ils ont subi et demander justice, mais aussi parce qu'ils savent que leur parole contribuera à une prise de conscience urgente et nécessaire. Et il faut rendre hommage à tous ceux et celles qui, dans les cellules d'écoute en particulier, se tiennent à leur disposition pour les y aider. Ainsi, comme le souligne le titre d'un recueil de témoignages publié par la CIASE, ces personnes passent de l'état de victimes au statut de témoins ; et le témoignage qu'elles ont le courage de rendre peut, si nous savons le recevoir, être source de vie et de renouveau pour nous tous et pour l'Église.

Il nous appartient de n'être pas semblables à ces chefs et ces prêtres du peuple dont parle la première lecture, qui « multipliaient les infidélités » et « profanaient la Maison de Dieu », tout en refusant obstinément d'écouter ses témoins. Ceux-ci, dans le texte qui nous a été lu, reçoivent trois noms : on les appelle messagers, envoyés et prophètes. Ces trois noms valent aussi pour les victimes devenues témoins qui prennent la parole pour dire ce qu'ils ont vécu. Je suis certain – et je veux le leur dire – que Dieu nous les donne à leur tour comme messagers, envoyés et prophètes : messagers pour une œuvre de vérité, envoyés pour un appel à la conversion, prophètes pour l'espérance d'un renouveau. Car si Dieu permet que son Église en ce temps ait à assumer tant de révélations de scandales et d'abus, c'est à cause de l'amour qu'il lui porte. Ces vérités sont aussi dures à regarder en face que la croix dont je parlais tout à l'heure, mais elles nous sont données à regarder dans la foi comme la croix elle-même, ce signe de mort devenu source de vie et de salut.

En ce siècle où des messagers inattendus se sont levés parmi nous, seule l'écoute de leur parole et de leur témoignage peut attester que nous préférons vraiment la lumière aux ténèbres. En effet, nous dit saint Jean, « celui qui fait le mal déteste la lumière ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière. » Alors ses œuvres peuvent être, ou peuvent redevenir, des œuvres « accomplies en union avec Dieu ». Mgr Jean-Pierre BATUT

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Recteur Père Michel Pagès

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