Mgr Georges Pontier | 17 mars 2024
La demande de ces Grecs venus de l'étranger à Jérusalem pour la fête de la Pâque nous est proposée au début de cette quinzaine où nous allons faire mémoire des heures douloureuses de la vie terrestre de Jésus : « Nous voudrions voir Jésus ! » Oui, nous voudrions voir Jésus, nous voulons voir Jésus, reconnaître le visage de Celui qui aime jusqu'au bout, de Celui qui n'est vaincu ni par la mort, ni par la souffrance, ni par la haine, la faiblesse, l'orgueil, la violence, l'injustice des hommes. Comprendre Celui qui dit à André et à Philippe : « Vais-je dire : Père, sauve-moi de cette heure-ci ? Mais non ! C'est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! » Communier à son combat intérieur face à la perspective tragique de ce qui va lui arriver et à la tentation de fuir cette heure. Nous voulons entendre et comprendre au fond de nos cœurs, ce lieu de la Nouvelle Alliance comme le dit le prophète Jérémie, la voix du Père qui dit : « Je l'ai glorifié et le glorifierai encore ! » Reconnaitre sa gloire dans ces heures tragiques ! Ne pas être aveuglés par ce qui se donne à voir, la fragilité, Jésus défiguré et rejeté, mais discerner ce qui est promesse et lumière de vie dans son obéissance, sa confiance au Père et son amour infini pour les hommes ses frères. Reconnaître la fécondité mystérieuse du grain de blé jeté en terre : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul, mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. » Croire que « celui qui aime sa vie la perd ; et que celui qui s'en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. » Entendre Jésus dire : « Si quelqu'un veut me servir, qu'il me suive et là où je suis, là aussi sera mon serviteur ! Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera. »
Ils l'ont compris tous ceux et celles qui se sont dessaisis de leur vie mais l'ont sauvée aux yeux de Dieu. Je pense dans l'histoire récente aux moines de Tibhirine ou à Mgr Claverie qui n'ont pas cherché à sauver leur vie mais s'en sont détaché pour porter des fruits de communion, de fraternité, de fidélité. Je pense à tous ceux et celles qui se donnent totalement dans ce qu'ils font, de tous ceux et celles qu'on admire en reconnaissant qu'ils ont été jusqu'au bout dans leur travail, leur service, leur fidélité, leur amour. Je pense encore à tous ceux et celles qui ont eu le geste juste au moment voulu, à Arnaud Beltrame, cet officier de gendarmerie qui a pris la place d'une personne otage à Trèbes près de Carcassonne, voici 4 ans ; ou encore au Père Maximilien Kolbe dans le camp d'Auschwitz qui a pris la place d'un père de famille et a été fusillé ; et puis et surtout je pense à tous les anonymes qui humblement se détachent de leur vie et font face à leurs épreuves ou à celles de leurs proches, à ces parents, à ces mamans qui accueillent la vie qui vient, même celle, fragile, marquée par le handicap, à ceux et celles qui accompagnent la vie jusqu'au bout. Ils ont le geste juste : ils se détachent de leur vie et la sauvent. Leur sont ouvertes les portes de la gloire, celles de la vie qui ne finit pas, celle qu'ouvre l'amour, le don de soi, la confiance en Celui qui donne la vie qui ne finit pas, la vie éternelle, celle qui est sans fin. Telle est la gloire de Dieu, la gloire qui vient de Dieu : celle que trouve celui qui se donne en toute confiance et détachement de soi.
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Père Michel Pagès | 15 mars 2024
Jésus parle fréquemment « de son heure », « l'heure est venue », « c'est pour cela que je suis parvenu à cette heure » (Jean 12, 20-33). Comme si nous devions prendre la mesure de l'heure dans laquelle nous vivons ! Vous savez de ces moments forts, importants, parfois heureux ou dramatiques de nos existences, pour en déceler l'enjeu. Pour preuve, ce « décalage » entre ces grecs qui « veulent voir Jésus » et l'attitude de Jésus…Philippe les conduit et voilà que Jésus paraît plus grave : « L'heure est venue où le fils de l'homme doit être glorifié. Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul, mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. Maintenant je suis bouleversé, que vais-je dire ? Père, sauve-moi de cette heure, mais non, c'est pour cela que je suis parvenu à cette heure ». L'exercice du ministère, m'a conduit à ce constat d'un « décalage » fréquent entre les attentes des hommes, leur liberté, leurs prises de consciences des choses importantes et des choses moins importantes…et ce que Dieu veut leur dire, ce que Dieu attend d'eux par Jésus ! « L'heure » que Jésus évoque, c'est cela, ce qui, soudain prend de l'importance, de la valeur, de la profondeur, du sens, en dépit des obstacles et des épreuves…Et « cette heure » vient toujours ! Etre interpellé par les mots de Jésus, c'est bien ! Tenter de le connaître et de vivre selon ses appels, c'est mieux ! Comprendre que l'enjeu de notre vie, c'est là où nous sommes attendus. C'est établir dès lors une échelle de valeur qui bouscule l'évidence des choses et nous veut « en vérité » ! Au constat quotidien du « temps qui passe », les moments de joie ou d'épreuve, les rencontres, les étapes où tout va si vite et nous pousse à nous interroger sur ce que nous en retirons, ce que nous en faisons. « C'est pour cela que je suis parvenu à cette heure » dit Jésus. Les regrets ne servent pas à grand-chose, c'est ce que nous retirons des expériences qui a vocation à « porter du fruit ». « Qui aime sa vie la perd, qui s'en détache la garde pour la vie éternelle ». Il ne s'agit pas de dénigrer sa vie, il s'agit de la comprendre au travers de ce qu'elle nous donne de vivre, même fugacement, la rencontre qu'elle nous prépare ! Par sa Passion et sa Résurrection, nous sommes engendrés à une vie nouvelle, c'est une nouvelle naissance et une croissance….Il nous associe à ce mystère. Regardons St Paul, il parle de sa prédication comme d'une « œuvre d'enfantement » qu'il paie de sa personne. Père Michel Pagès, recteur du Sanctuaire Saint Jérôme