Homélie du Dimanche 27 Octobre 2024
Mgr Georges Pontier | 27 octobre 2024
La guérison de l'aveugle Bar Timée à Jéricho est le dernier miracle de Jésus rapporté par St Marc. Il précède l'entrée de Jésus à Jérusalem et conclue cette longue étape de deux ou trois années, où Jésus a sillonné les routes de Galilée, de Samarie et de Judée se faisant proche de tous et révélant son identité par ses paroles et ses actes. L'accueil qu'Il a reçu fut contrasté. Les uns l'ont perçu comme un guérisseur merveilleux, les autres comme un révolutionnaire dangereux, d'autres encore comme le Messie de Dieu, attendu. Ce miracle de Bar Timée est là pour inviter ses disciples à sortir de leurs aveuglements et à s'ouvrir au regard de la foi, à entrer dans l'accueil de ce qui va se passer. Jésus n'aura plus le visage du guérisseur enthousiasmant mais celui du rejeté, du condamné, du crucifié. Voir alors qu'il s'agit de l'œuvre de l'amour jusqu'au bout, que rien n'empêche Dieu d'aimer jusqu'au bout !
Alors, la guérison de Bar Timée est le modèle du chemin à parcourir pour entrer dans la foi. Son cri : « Fils de David, prends pitié de moi » traverse la foule nombreuse qui le sépare de Jésus. Mais Jésus entend son cri et l'appelle. À la question « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » il répond : « Rabbouni, que je retrouve la vue ! » et Jésus de dire : « Va, ta foi t'a sauvé ! » Sa foi lui a permis de voir qui était vraiment ce Jésus et de le crier ! Il retrouve la vue. Il ne repart pas chez lui mais il suit Jésus sur le chemin, ce chemin qui le conduira à Jérusalem. Il est prêt à le suivre sur ce chemin où l'on vit dans la confiance absolue au Père et dans le don total de sa vie pour les hommes. Bar Timée est le modèle du disciple qui suit Jésus sur son chemin avec le regard de la foi : derrière ce qu'il voit il sait discerner ce qui est voilé à nos yeux. Il crie : « Jésus, Fils de David, prends pitié de moi. » Son cri est devenu celui de notre prière : « Seigneur, prends pitié de nous, Kyrie eleison. » C'est l'aveugle qui voit ce qui se cache derrière le voile de l'humanité de Jésus !
Le pressentiment de la lumière…
Père Michel Pagès | 25 octobre 2024
Les récits évangéliques sont, mystérieusement des « leçons de vie et de Foi » qui transcendent les temps et les lieux (Marc 10, 46-52) : un aveugle, une insistance, un agacement des témoins, l'écoute de Jésus, le respect de celui qui demande et enfin le miracle de la Foi….
Mais qui n'est pas « aveugle » ou « aveuglé » ? par lui-même ou les circonstances ? Qui n'a pas crié, par la voix ou par le cœur, dans une forme ou l'autre de faiblesse, d'épreuve ou d'isolement ? Qui n'a pas expérimenté la « non écoute » des autres, leur agacement ou leur indifférence ? Qui n'a pas attendu et espéré un signe, une réponse à ses inquiétudes ? Et qui, un jour ou l'autre, par le fait de son désir, de sa fidélité, de son insistance, n'a pas vu «un signe », « une lumière », « une réponse » à ses attentes au point de « voir sa vie autrement » comme « on laisse un vieux vêtement », « une vieille peau » pour s'élancer vers un avenir plus ouvert ?
Qu'en est-il de nos aveuglements ? Qu'en est-il de notre capacité à savoir « espérer contre toute espérance » ? (Rm 4, 18). Qu'en est-il de notre désir de voir et de découvrir l'œuvre de Dieu en nos vies ? Qu'en est-il de notre capacité à abandonner ce qui a visage de « vieil homme », de « vieux vêtement » pour donner un visage à notre identité baptismale ? Qu'en est-il de « de ce qui a visage d'aveuglement » dans nos choix sociétaux ?
Homélie du Dimanche 20 Octobre 2024
Mgr Georges Pontier | 20 octobre 2024
Jésus vient de leur annoncer pour la troisième fois qu'il monte à Jérusalem où il sera livré aux grands prêtres et aux scribes, où il sera condamné à mort, livré aux païens, flagellé et mis à mort avant de ressusciter, et voilà que Jacques et Jean, les deux frères, disciples des premières heures et choisis par Jésus pour l'accompagner de plus près en plusieurs circonstances , les voilà avec une demande bien ambigüe : « Donne-nous de siéger l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, dans ta gloire ». Que cherchent-ils ? A le suivre dans ce don de sa vie ou à parvenir aux places d'honneur ? Veulent-ils « servir » comme lui ou veulent-ils « se servir », occuper les meilleures places ? Veulent-ils se tenir près de Lui, cheminer à sa manière, ne pas le laisser seul ou veulent-ils être déjà dans la gloire, comme ils disent ? Quelle idée se font-ils de cette gloire ? Oui, c'est bien ambigu. « Et les dix autres, qui avaient entendu, se mirent à s'indigner contre Jaques et Jean. » Ils sont bien de la même pâte humaine, celle dans laquelle nous nous débattons ici-bas, celle dont est venue nous libérer le Seigneur, notre Dieu, notre Père, lui qui est toute entier bonté, don et service !
C'est bien vrai que nous sommes ainsi. Avoir les premières places ou connaître quelqu'un de bien placé pour obtenir ses faveurs. Arriver aux responsabilités et enfin pourvoir faire sentir son pouvoir comme dit Jésus : « les grands font sentir leur pouvoir. » Et on est vite un grand dans un monde tenté par la force, la domination. Cela commence dans le cadre de la vie familiale, dans une fratrie, dans un milieu de travail, dans un voisinage ! A fortiori dans la vie en société ou entre nations. Ceux qui cherchent une responsabilité au service des autres, du pays, d'une association, ne l'exercent pas toujours au service des autres ! La vie du monde nous le montre trop clairement, même s'il y a quelques belles exceptions ! Et dans l'Eglise, il en est pareil : l'être humain étant le même partout. Alors entendons l'enseignement de Jésus à tous ses disciples : « Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; Celui qui veut parmi vous être le premier sera l'esclave de tous » Et Jésus appuie son enseignement sur son exemple, « car le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. » « Qui me voit, voit le Père. »
La vérité des mots et des gestes…
Père Michel Pagès | 18 octobre 2024
Décidément le texte évangélique ne nous cache rien…jusqu'au récit des faiblesses de ceux qui allaient devenir les colonnes de l'Eglise : « Donne nous de siéger à ta droite ». Tentation de « se placer » ou de fonctionner « au piston » ? On sait les limites et les faiblesses de ce fonctionnement mais on peut, surtout prendre conscience des merveilles que la grâce de Dieu réalise dans les âmes ! Nul ne doit désespérer de qui que ce soit dans la mesure où la conversion se fait jour. Mais retenons la manière dont Jésus parle du « pouvoir » et sa vigilance pour une « manière chrétienne » de l'exercer : « Les grands font sentir leur pouvoir, pour vous il ne doit pas en être ainsi » (Marc 10, 35-45). Alors que dire ? Peut-être que, recevant un rôle, une mission, une responsabilité, une place dans l'Eglise et dans le monde, nous voici appelés à une vigilance, celle de ne pas l'exercer avec « l'esprit du monde » au point de nous en donner la clé : « le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir ». Je vous invite à relire « la manière » dont Jésus a exercé « un pouvoir ». A relire les Evangiles, c'est « par sa parole » et « par ses mains »…Non, une parole autoritaire mais une parole libératrice. Chaque rencontre difficile le pousse à éclairer le cœur de la personne, son égarement ou son endurcissement. S'adressant « au mal », sa parole est forte et incisive « sors de cet homme ». S'adressant à la personne, sa parole est patiente et bienveillante « si tu veux », « si tu veux être parfait ». Encore une fois, il respecte une liberté, il n'écrase pas, ne joue pas avec les personnes, il tolère et patiente…. « Ses mains » montrent sa puissance sur le mal, la souffrance, la possession diabolique, elles sont fortes. Mais « ses mains » prolongent « sa parole », elles sont « une miséricorde en acte ». Il impose les mains sur les malades, les enfants, il protège et encourage, il réconcilie et donne la force, il remet debout. Nous qui nous proclamons « disciples du Christ, Que faisons-nous « de notre parole » ? Est-elle autoritaire, d'emblée, ou est-elle bienveillante, constructive, vraie, sachant nous effacer devant le seul pouvoir qui vaille, celui du Christ en nous, et qui aura le dernier mot ? Et que faisons-nous « de nos mains » ? Sont-elles le prolongement de cette bienveillance ou l'expression rapide et maladroite de nos impatiences ? Quand Dieu n'est plus présent aux réalités humaines, il manque quelque chose de ce qu'on appelle lumière et vérité et peut-être aussi, paroles et gestes ajustés…Père Michel Pagès, recteur du Sanctuaire
Homélie du Dimanche 13 Octobre 2024
Mgr Georges Pontier | 14 octobre 2024
La rencontre de cet homme avec Jésus peut nous rejoindre dans notre désir de réussir notre vie à nos propres yeux et à ceux de Dieu. Cet homme veut réussir sa vie comme une bonne préparation à la vie éternelle : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? » On pourrait encore dire : « que dois-je faire pour mériter la vie éternelle, pour être récompensé, pour arriver devant Dieu avec une bonne copie qui méritera une bonne note? » Ce désir peut nous habiter.
Jésus lui rappelle les commandements, ce qui constitue une bonne vie morale : « ne commets pas de meurtre, ne commets pas d'adultère, ne commets pas de vol ; ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. » La réponse du jeune homme suscite la joie de Jésus : « Il posa son regard sur lui et il l'aima. » Prenons le temps d'accueillir ce regard de Jésus sur des vies bien menées, sur des vies humaines, belles, vécues dans le respect des autres, la maitrise de soi et la fidélité aux siens. Oui, ces vies-là sont belles. Et ils sont nombreux ceux qui la vivent ainsi. Alors Jésus sent qu'il peut aller plus loin et inviter ce cœur ouvert vers ce qui est au cœur de la vie éternelle : « Une chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens et suis-moi. » La vie éternelle, c'est une vie où on quitte tout pour l'autre, où on n'est pas tourné vers soi, où on est habité par le désir de donner et de se donner. On vit pour l'autre, pour les autres. On est dans la confiance. On ne mérite rien, on reçoit tout. Car on est dans le registre de l'amour. Et l'amour ne se mérite pas. Il est gratuit. Il se donne et se reçoit. Il se donne et même jusqu'au bout. On s'y prépare en ne s'attachant à rien d'autre ici-bas. C'est ce à quoi Jésus invite cet homme : ce à quoi tu es attaché, vends-le et donne aux pauvres. Fais-toi pauvre de ce à quoi tu es attaché et Viens, suis-moi. Ton cœur sera libre pour aimer.
Et voilà bien ce que révèle Jésus, ce qu'il vient nous enseigner : la vie éternelle est une vie d'amour, une vie dans l'amour. Il ne nous l'enseigne pas que par des mots, mais par ce qu'il est, par ses choix de vie. Lui-même, le Fils bien-aimé a tout quitté de la joie en Dieu pour venir par amour se faire homme et pour nous conduire à travers son don de lui-même à entrer dans cette vie de Dieu : aimer, aimer, aimer jusqu'au bout. S'abandonner pour ceux qu'on aime. Se quitter soi-même pour aimer l'Autre avec un grand A et les autres aussi. Que rien de matériel ne t'attache, ni les richesses ni l'amour de toi-même. « Dieu a tant aimé les hommes qu'Il a donné, son Fils, son unique. » Et son Fils, devenu Homme, ne cesse de se donner, de ne rien garder pour Lui. Il n'avait pas de pierre où reposer la tête. Il les a aimés jusqu'au bout. Il a aimé le Père jusqu'au bout. Il a aimé ses frères humains jusqu'au bout.
« Nul n'aura quitté, à cause de moi et de l'évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants sans qu'il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et dans le monde à venir, la vie éternelle. » Celui qui s'attache ici-bas au Christ, à la marche à sa suite, Celui qui n'a rien de plus cher que le Christ, celui-là entre déjà dans la vie éternelle.
Et Jésus de dire « Pour les hommes, c'est impossible, mais pas pour Dieu : car tout est possible à Dieu » On a envie d'ajouter tout est possible à Dieu puisqu'Il se donne et qu'on est libre de se donner.
Sommes-nous vraiment « libres » ?
Père Michel Pagès | 11 octobre 2024
Jésus ne fait pas de sociologie pour évoquer le détachement, il parle de liberté. Bien sûr, il y a des pauvres dont il prendra fait et cause, mais dont il dira « les pauvres, vous en aurez toujours avec vous », comme un éternel défi. Mais à ses yeux, le vrai danger c'est la confiance que nous mettons en nous-même ou dans les biens…au risque de tourner le dos au véritable enjeu de la vie humaine. L'évocation de « l'homme riche » (Marc 10, 17-30) est éloquente. Il a tant de qualités ! Peut-être avait-il pensé qu'avec un peu de générosité, il pouvait, à bon compte, s'approcher du mystère de Dieu, de la libération qu'il apporte à ceux qui le suivent. Mais voilà : « Une seule chose te manque, vends ce que tu as et suis-moi ». Et malgré « le regard d'amour » de Jésus dont il est l'objet, « il s'en va tout triste ». Il n'a pas compris que cet appel était un appel à « être libre » de beaucoup de choses et à découvrir un autre chemin. Le regard de Jésus se fait alors plus large « Comme il est difficile à ceux qui possèdent d'entrer dans le Royaume ». Comme il est difficile à ceux qui sont possédés par « quelque chose » de goûter à ce surcroit qu'est la connaissance de Jésus. Allons plus loin. La théologie nous éclaire : « l'occasion de péché naît d'un attachement indu » ! Le péché, c'est être attaché, à l'excès, aux moyens et non au cœur. Dans ce sens, il peut y avoir « des pauvres riches » et « des riches pauvres ». La question des disciples est alors essentielle : « qui donc peut être sauvé ? ». Qu'est-ce qui éloigne de Dieu et de sa promesse ? Qu'est-ce qui nous tient et retient, au point de « passer à côté d'un essentiel » ? Il est un signe révélateur, c'est « la tristesse ». « Le jeune homme s'en alla tout triste ». Bien au-delà de ce qu'on appelle « la crise des vocations » (et cela touche toutes les vocations) il y a la question du sens de ce que nous faisons de notre vie et du prix que nous donnons aux choses, mais aussi la conscience de ce qui peut nous « tenir » ou « retenir », nous « empêcher » d'être vraiment ! Que n'ai-je entendu de « regrets » en accompagnant, des années, des malades ou des fins de vies ! Parfois de « tristesse » à être passé à côté de certaines choses ! Etre libre, c'est la possibilité de devenir ce que nous sommes en vérité, des enfants de Dieu, selon la grâce que chacun reçoit de Dieu et dans sa propre nature. L'Esprit Saint libère des pesanteurs, des craintes, des doutes, des étroitesses, des égoïsmes, et c'est toujours à faire. Mais il suscite la libre confiance…Sommes-nous vraiment libres et comment ? Père Michel Pagès, recteur du Sanctuaire