C'est pourtant bien par cette affirmation que Jésus nous exhorte : « Les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche » (Marc 1, 14-20). Il s'agit de prendre conscience qu'il y a « un enjeu » dans ce monde, et qu'on le veuille ou non, que le temps est compté pour toutes choses…Cet « enjeu » n'est rien de moins que « la règne de Dieu » déjà à l'œuvre, mais aussi en « travail d'enfantement » ! Pour cela, un appel à entendre et à concrétiser : « Convertissez-vous et croyez à l'Evangile »…Est-ce à la manière de Ninive (Jonas 3, 1-10) « la grande ville païenne » qui finit par entendre l'appel de la Parole de Dieu et « se détourne de leur conduite mauvaise »? Est-ce à la manière de Saint Paul (I Cor 7, 29) qui annonce lui aussi, que « le temps est limité/écourté/cargué » comme on le traduit parfois, telle la voile d'un bateau que l'on « cargue/replie » à l'approche du port parce qu'il est tout proche ? Voulez-vous accueillir ce que Saint Paul développe et qui nous interroge mais qui, d'une certaine façon, prépare « le Royaume de Dieu » comme « un enjeu » ? …« Que ceux qui ont une femme soient comme s'ils n'en avaient pas »…Rien à voir avec un désaveu du mariage, mais une invitation à accepter la notion de temps dans un couple, d'une évolution, d'une marche vers une promesse qui ne trouvera qu'en Dieu, son plein accomplissement…« Que ceux qui achètent soient comme s'ils ne possédaient pas »…Rien à voir avec une dépréciation du travail humain et de ses fruits légitimes mais une invitation à ne pas laisser les choses nous posséder ! Le travail et ses fruits ont vocation à être chemin de sanctification et non de repli…« Que ceux qui pleurent soient comme s'ils ne pleuraient pas »…Rien à voir avec une indifférence révélatrice du cœur endurci. Mais une invitation à donner un visage à l'Espérance chrétienne qui nous fait entrevoir une joie qui va bien au-delà des limites humaines…Oui, on peut suivre Jésus de bien des manières, seul, en couple, en famille, en communauté, en société et à tous les âges de sa vie…mais il demeure « une urgence » que le Pape François exprimait en ordonnant de nouveaux évêques : « Apprenez toujours à servir, à risquer, soyez francs avec les puissants, taisez-vous devant les plus faibles, apprenez de ceux qui vous méprisent, mettez votre confiance dans la Grâce de Dieu plus que dans des programmes, dans le quotidien plus que dans de grands événements, désirez le ciel et l'accomplissement de toutes choses en Dieu »… Père Michel Pagès, recteur
Homélie du Dimanche 14 Janvier 2024
Arnaud de Percin | 14 janvier 2024
Frères et Sœurs,
Regarder, entendre, suivre, se retourner, chercher, demeurer, venir, accompagner, rester, trouver, amener, appeler… cette liste de verbes résume bien ce qui s'est joué à ce commencement d'histoire, histoire dont nous faisons partie par la Foi nous aussi. Verbes qui disent aussi comment nous pouvons nous situer dans notre propre présent. Ce qui s'est échangé à l'époque peut se vivre encore aujourd'hui. Les relations multiples entre Jean-Baptiste, Jésus, André, l'autre disciple et Pierre forment l'enveloppe qui contient et conduit nos propres échanges. Reprenons les trois paroles prononcées par Jean-Baptiste et André… une progression se dessine.
« Voici l'Agneau de Dieu »
La parole d'une personne qui s'engage, en déclarant le sens de ce qu'elle voit surgir, apparaître, elle y risque la relation qu'elle a avec les autres, ses disciples, ses proches pour les mettre en mouvement vers cette réalité qu'elle déclare désirable pour elle et pour les autres. C'est l'attitude de Jean le Baptiste, qui parle à partir de toute sa vie accumulée d'attente du Messie. C'est l'attitude que les parents ont souvent envers leurs enfants, en les encourageant à aller vers ce qui les mènera vers plus de vie. C'est l'attitude de celui qui propose la foi aussi… A chaque fois nous sommes appelés à parler à partir de notre engagement réalisé que nous rejouons dans cette prise de parole. Certains la reconnaissent et se mettent en mouvement.
« Rabbi où demeures tu ? »
Une question qui ouvre à un dialogue, à une rencontre, à un possible, elle signe le risque que prend la personne pour son futur en s'ouvrant au devenir. La personne accepte de s'orienter durablement vers la rencontre d'un autre. C'est l'attitude des personnes qui vont devenir disciples de Jésus. C'est la question que s'adressent mutuellement des personnes qui désirent vivre ensemble, proches. C'est la question de celui qui se risque dans la foi et veut s'agréger à un groupe de chrétiens… A chaque fois nous sommes appelés à parler à partir de notre capacité d'engagement futur.
« Nous avons trouvé le Messie »
Une parole qui constate à plusieurs personnes, qui reconnaissent ce qui a été vécu, qui l'assimilent dans chacune de leurs propres existences de manière consciente. Quelque chose d'autre se construit à partir de ce qui a été reçu. C'est la parole d'André (avec l'autre disciple) qui l'autorise à proposer une transmission à son frère. C'est la parole qui conforte ceux qui se risquent dans la nouveauté, la parole conjugale qui conforte les parents dans leur travail éducatif vis-à-vis de leurs enfants. C'est la parole de la proclamation de la foi dans les communautés chrétiennes. C'est la Parole de notre vrai repos. La parole qui peut accompagner notre vie, qui conforte nos engagements.
Voilà donc le chemin parcouru :
–D'abord une déclaration par un autre : un « Tu » me parle
–Puis une reconnaissance de la déclaration : « Je » me risque
–Ensuite une proposition d'interaction avec l’autre
–Et enfin, un constat de l'engagement et de son fruit d'union : « nous » avançons ensemble, nous proposons, Je « et » Tu, pour un nouveau départ…
Aujourd'hui, il serait bon, que chacun de nous puissions approfondir chacun des points de ce chemin.
Frères et sœurs, à nous qui sommes venus pour célébrer cette Eucharistie, le Christ nous adresse bien un appel et une invitation :
« Que cherchez-vous ? », « Venez et voyez ».
Il nous propose à nouveau d'être et de demeurer avec lui, pour qu'avec lui nous annoncions la Bonne nouvelle à l'univers entier qui en a tant besoin. Amen
Homélie du Dimanche 7 Janvier 2024
Mgr Georges Pontier | 7 janvier 2024
Au moment où se sont figées les traditions chrétiennes avec leurs repères datés, le monde connu ne comportait que trois continents, l'Europe, l'Asie et l'Afrique. Alors le récit de la visite de Mages à Bethléem s'est naturellement transformé en visite de trois rois mages représentant l'univers connu, un blanc, un noir et un jaune, Melchior, Balthazar et Gaspard. L'évangile que nous venons d'entendre ne nous parlait que de Mages venus d'Orient, sans en préciser le nombre ou les noms, sans en faire des rois ! Mais la tradition sait résister et les pâtissiers se font une joie de nous conforter dans ce beau moment du partage de la galette des rois en famille et entre amis ! La profondeur du message ou devrait nous permettre de mettre désormais 5 rois mages autour de la crèche même si les mages ne sont pas allés à la crèche mais à la maison de Bethléem où ils se prosternèrent devant l'enfant et Marie, sa mère.
Epiphanie: Jésus « travaille » ce monde…
Père Michel Pagès | 5 janvier 2024
Le moins qu’on puisse dire c’est que la venue des mages ne fait pas l’unanimité et que la joie qu’ils apportent « d’ailleurs », à la venue de « cet enfant », n’est pas tout à fait celle « des locaux » : « en apprenant cela, le roi Hérode fut pris d’inquiétude et tout Jérusalem avec lui » (Matthieu 2, 1-12). Cela ne vous rappelle rien ? De la même manière, au moment de sa vie publique comme aux heures de sa passion, Jésus suscitera « la même inquiétude »…Voici donc que, celui qui rejoint son peuple, est ressenti comme une menace, une inquiétude. Le langage des mages ajoute à l’inquiétude : « Où est le roi de juifs qui vient de naître, car nous avons vu son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui ? ». Pour eux, mystérieusement sa personne attire, leur science mystérieusement les y conduit, « il est roi » et leur parole ajoute encore à la peur de ceux qui exercent le pouvoir en Israël. C’est donc bien un fait, Jésus dérange et bouscule ! Comme elle proche cette naissance « en notre chair » et pourtant comme elle semble éloignée la « paix de la nuit de Noël », comme il paraît loin l’émerveillement de beaucoup à l’heure de sa naissance ! Comment, alors, entendre cette fête de « l’Epiphanie », fête de « la Manifestation » large du message du Christ au monde ? Sans doute comme l’affirmation claire que le message du Christ est pour tous et pour toutes les cultures puisqu'on vient de loin pour le connaître et que nul n'en est, d'emblée, exclu. Mais aussi qu’il ne cesse de déranger ou d'interroger les valeurs que porte le monde. Nous sommes parfois inquiets sur l’avenir du monde, sur ses choix, ses évolutions, Nous pouvons parfois être soucieux de l’accueil du salut que Jésus apporte et le refus d'un grand nombre. Est-ce si inquiétant ? Pas vraiment, puisque c'est Jésus qui « travaille ce monde » et que c'est une œuvre bonne ! Mais peut-être faut-il nous demander si nous sommes de ceux qui se réjouissent de la venue de Jésus en nos vies ou pas vraiment ? Et, en même temps, prendre acte que Jésus est venu bousculer toutes choses qui sont « du monde » alors qu’il vient nous dire que « nous sommes de Dieu » ! Peut-être faut-il ne pas nous en inquiéter trop mais grandir dans la fidélité à sa personne, à son message, à ses promesses et nous en réjouir. Plus les historiens avancent dans la recherche du Jésus historique et plus ils sont conscients qu'il échappe à toutes les caricatures mais qu'il demeure force de conversion et d'enthousiasme. Est-ce si vrai pour chacun de nous ? Père Michel Pagès, recteur du Sanctuaire
La famille…ou…le travail du temps…
Père Michel Pagès | 29 décembre 2023
On s'interroge souvent sur le sens de « la famille », et nombre d'évolutions sociétales interrogent. Curieusement les récits bibliques nous renvoient d'abord vers un message de difficulté dans la fécondité (Genèse 15 et 21). Les circonstances de la naissance de Jésus ne sont pas de l'ordre de l'évidence non plus : une mangeoire, pas de place dans la salle commune. Et puis la vie cachée à Nazareth, l'offrande même des deux colombes au temple qui est l'offrande des pauvres (Luc 2, 24)…La vie publique de Jésus sera souvent discrète et humble, sauf quand il s'agira de « manifester l'œuvre de Dieu et du Royaume qui vient ». C'est alors qu'il donnera les signes du Royaume en guérissant, en pardonnant, en ouvrant à la vie éternelle. Son enseignement prendra alors toute sa force et ses images sont pleines de promesses : « levain dans la pâte », « sel de la terre », « lumière du monde »…Mais tout commence dans le secret et l'humilité. Tout prend sens quand on commence par s'enfouir avant de « donner du fruit ». La vie de Dieu s'inscrit dans la longueur du temps et ses promesses… La vie familiale devient alors le reflet de ce « travail du temps » qui veut transformer les relations humaines et leur donner fécondité. La famille a vocation à accueillir un projet qui la dépasse, mais qui prend visage peu à peu. Tout commence nécessairement par un don mutuel, une réciprocité et une complémentaire des êtres. On y apprend la valeur des liens, le sens de la fidélité, la joie du don de soi, le soutien dans la difficulté, un avenir…au travers d'une vie ordinaire, de difficultés, de défis et de joies.
Le récit évangélique (Luc 2, 22-40) met sous nos yeux la figure du vieillard Siméon. Il personnifie, par son grand âge, l'attente et la fidélité d'Israël. Pas d'ange pour l'avertir mais la maturité spirituelle d'un « sage » qui le rend capable d'une conviction intérieure. Il sait que Dieu accomplit ses promesses. Sa façon de « prendre l'enfant dans ses bras » montre qu'il accueille dans le respect et la pudeur ce que Dieu donne. On ne confie pas au premier venu son enfant nouveau-né ! Siméon sait qu'il est en train de vivre un accomplissement de son attente et de sa fidélité et il se réjouit « Maintenant mes yeux ont vu le salut et la lumière pour les nations ». Comment ne pas penser à ceux et celles de nos familles qui cherchent ou qui trouvent « leur chemin de vie » et pour qui nous nous réjouissons ? Peut-être aussi, nous « étonner » et « confier » ce qui arrive à nos proches, à nos enfants ?