« Nul n'est trop pauvre pour n'avoir rien à partager…Nul n'est trop riche pour n'avoir rien à recevoir » Mgr Jean Rodhain
Père Michel Pagès | 7 novembre 2024
Il arrive qu'on ne regarde pas les personnes, qu'on ne les voit plus, qu'on s'habitue à ne pas les connaitre vraiment…Jésus nous en fait la démonstration dans son observation des va-et-vient du Temple (Marc 12, 38-44). Du coup, lui « qui connait les reins et les cœurs » voit ce qu'on ne voit pas. Il devine « l'intention des cœurs », il nous connait ! La pauvre veuve donne peu car elle a peu, mais elle donne « sur son indigence » dit l'Evangile. Jésus ne fait aucun reproche à ceux qui donnent beaucoup parce qu'ils ont beaucoup, et il saura louer « ceux qui prennent soin des autres », son propos n'est pas « un règlement de compte » avec quiconque, c'est plutôt de parler d'une forme de pauvreté que nous connaitrons tous ! Pour le comprendre, il faut se rappeler du statut des veuves dans la Bible. Elles sont le symbole même de « la pauvreté »: détresse matérielle, perte de situation sociale, charge d'enfants, solitude, sans aucune protection ni considération. On appelait cette situation de vie « une blessure inguérissable ». Du coup, la veuve n'a plus d'autre espoir que « de compter sur Dieu seul ».Voilà bien là le message ; c'est dans nos blessures que Dieu et la Grâce se faufilent. Et il faut du temps pour comprendre et accepter ce message qu'on peut résumer ainsi : Dieu veut nous réconcilier avec « nos blessures de vie » les plus profondes, celles qui fragilisent, celles qui nous rendent pauvres, celles qui laissent sans aucune protection comme la veuve du jour. On dit parfois, que l'on connait Dieu toujours mieux, qu'au travers de ses blessures. C'est pourtant bien le cas, quand on réalise ce point de solitude, de manque, de fragilité évidente après qu'on ait épuisé toutes formes d'orgueil, de suffisance ou de repli. Car, enfin, parler de « blessure » c'est parler de la plus radicale, « la blessure mortelle », qui, pour ceux qui suivent le Christ est devenue « passage », « le passage » ! Dieu n'exige rien, il éclaire et suscite les consciences, il fait prendre des décisions, il réoriente des vies. La veuve n'a pas fait que donner « des piécettes », elle a donné ce qu'elle était, « sa substance » qui est « indigence ». Elle s'est confiée totalement à Dieu pour ce qui la dépasse et l'écrase. Quelles sont « nos blessures » ? Sont-elles ouvertures à Dieu et lucidité de vie ? Et que donnons-nous à Dieu ? Nos belles pensées, nos idées, nos biens matériels ou nous-mêmes et ce que nous sommes ? Ne sommes-nous pas « ces pauvres », que Jésus rejoint ? « Il n'y pas de destin sans blessure profonde »…Père Michel Pagès, recteur du Sanctuaire