« La grâce ne fait pas disparaître la nature mais l’achève »…

Père Michel Pagès |  2 juin 2023

C’est cette conviction fondamentale, profonde et optimiste de Saint Thomas d’Aquin qui m’habite en préparant la fête de la Sainte Trinité, en cette année centenaire de sa canonisation (1323)… Cette conviction rejoint l'Évangile de cette fête (Jean 3, 16-18) : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas »…Toute la Foi Chrétienne est une manifestation de de la bonté, de la miséricorde et de l’amour de Dieu pour nous, manifesté en Jésus-Christ et dans l’Esprit-Saint ! Dieu n’est pas absent comme chez Aristote, Dieu n’est pas indifférent comme dans les Mythes, Dieu n’est pas le tout comme dans le Panthéisme…Non, Dieu aime et fait alliance en se donnant à connaître et en donnant son amour. Tout se ramène à cette vérité qui explique tout et éclaire tout ! Et c’est sous cette lumière qu’il faut lire le mystère de nos vies : « Il m’a aimé » dit Saint Paul et chacun de nous peut et doit se dire à son tour « Il m’a aimé et s’est livré pour moi » (Galates 2, 20). Ce don du Christ résonne comme un appel pressant à répondre à cet amour et il ne cesse d’attendre notre réponse comme ce père de la Parabole du fils prodigue (Luc 15, 11-32). Le but d’un père n’est pas de garder l’enfant auprès de lui mais de le voir dans son autonomie afin d’avoir avec lui des relations d’adulte confiantes…Par l’acte de Foi, je comprends que Dieu est amour et qu’il porte sur moi un regard inconditionnellement bienveillant et confiant…. St Thomas d’Aquin a la conviction que la nature humaine est bonne, quoique blessée, comme notre aspiration à l’infini. Car la Grâce ouvre des horizons spirituels en notre nature pour la guérir et lui faire voir plus haut que lui-même, vers la vérité toute entière qui est de l’ordre de l’amour. La Trinité est comme une manifestation totale de cet amour pour que nous y entrions…

Le Saint Pape Jean Paul II écrivait : « L’homme ne peut vivre sans amour. Il demeure pour lui-même incompréhensible, sa vie est privée de sens s’il ne reçoit pas la révélation de l’amour, s’il n’en fait pas l’expérience et s’il ne le fait pas sien, s’il n’y participe pas fortement. Le Christ révèle l’homme à lui-même et à son mystère. L’homme retrouve sa grandeur, sa dignité, son humanité véritable. L’homme qui veut se comprendre jusqu’au bout, doit, avec ses inquiétudes, ses incertitudes, sa faiblesse et son péché, sa vie et sa mort, s’approcher du Christ… (Redemptor hominis 10) 

On peut comprendre, dès lors, ces paroles de Jésus : « Celui qui croit échappe au jugement » (Jean 3, 18) car il sait que Dieu n’a pas envoyé son Fils pour la perdition mais pour le salut. Si je n’inscris pas ma vie dans la bienveillance de l’amour de Dieu, je suis forcément sous une forme ou l’autre de jugement, ce peut être celui du monde qui évalue les humains selon leurs performances, de la morale, ou de la conscience, ou de la compréhension limitée de Dieu…L’amour de Dieu, lui, libère du jugement…

Relisez le Concile Vatican II (Ad gentes 8) : « Personne n’est délivré du péché par lui-même ou par ses propres force. Personne n’est entièrement libéré de sa faiblesse, ni de sa solitude, ni de son esclavage…Mais tous ont besoin du Christ venu libérer et sauver. L'Évangile devient alors un ferment de liberté et de progrès, de fraternité, d’unité et de paix enfin possibles »…

Quel enjeu que celui de la Sainte trinité ! Pas un concours pour singes-savants mais une aventure pour tout homme qui cherche sa route et peut trouver ce qui l’appelle à vivre vraiment…    Père Michel Pagès, recteur