Homélie du Dimanche 30 Mars 2025

Mgr Georges Pontier |  30 mars 2025

Qu'il avait dû être bouleversé le cœur du père de la parabole lorsqu'il avait vu le dos de son jeune fils partir de la maison sans rien lui dire. Il partait, se croyant enfin libre. On comprend cette blessure-là. Nos expériences humaines nous y préparent.

Mais le voir guetter son retour sans désespérer, le voir courir vers le visage de son fils enfin tourné vers lui, encore loin, mais de retour. Le voir se jeter à son cou et le couvrir de baisers. Le voir l'interrompre lorsque le jeune fils lui dit : « Je ne suis plus digne d'être appelé ton fils », Le voir donner des ordres pour qu'on lui redonne l'anneau du fils, les plus beaux vêtements et préparer le festin des retrouvailles. Alors, là cela nous dépasse, cela nous saisit, cela finit par nous émerveiller : quel amour, quelle miséricorde, quelle force intérieure ! La voilà la vraie puissance de Dieu ! Cœur du Père blessé mais toujours bien vivant, bien aimant : l'amour ne passera jamais ! Cœur de Père, fidèle, fidèle toujours.

Qu'il nous est bon, nécessaire et bienfaisant de contempler et de re-contempler ce visage de Dieu que Jésus décrit dans cette parabole à l'adresse de ceux qui le trouvaient trop proche des publicains et des pécheurs.

Nous sommes quelque part comme le fils aîné qui ne digère pas facilement l'attitude de son Père à l'égard de son frère qui a dilapidé les biens de famille et a voulu partir seul. Le voilà jaloux de l'amour de son Père pour son frère. Et il tombe dans le reproche : Et, moi, et moi, et moi, avec tout ce que je fais pour toi ! Incapable de se rendre à la table familiale où règne le pardon et la joie. Car l'amour a aussi quitté son cœur depuis longtemps ! Il s'est enfermé sur lui-même et ne voit que les droits qu'il a, lui qui est un travailleur. Il revendique le salaire de l'ouvrier et est incapable d'être heureux dans son être de fils et de frère. Les paroles de son père glissent sur lui : « Toi mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait bien festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé ! » Nous ne saurons jamais ce qu'il est advenu de lui et combien de temps, d'épreuves ou de déconvenues il lui aura fallu pour retrouver sa place de fils et de frère !

Tel est ce Père du ciel qui n'est qu'amour ! Il a créé. Il a partagé son héritage et donné sa part à chacun ! Si quelqu'un quitte la maison familiale et va au loin chercher sa fortune, son amour demeure et le jour venu ses bras s'ouvrent et rendent sa place au prodigue qui revient ! Plus encore Il envoie le Fils bien-aimé à la recherche de la brebis perdue pour la prendre sur ses épaules et reconduire au bercail celle qui s'est égarée.

Chers Frères et Sœurs, laissons-nous saisir par l'amour de Dieu pour nous. Laissons ses bras bienveillants nous enserrer et nous redonner notre être de fils et celui de frères entre nous. Laissons-le désamorcer nos manques de confiance en Lui, laissons-le briser nos illusions mises sur nous-mêmes. Laissons-nous « réconcilier avec Dieu », comme l'écrivait Paul aux Corinthiens et dont nous venons d'entendre la lecture. Pouvait-il nous donner plus, en nous donnant celui qui est son image parfaite : le Fils bien-aimé, Jésus, venu nous sauver et nous révéler cet amour infini qu'est notre Dieu. Laissons-nous réconcilier avec nos frères humains. Dieu les regarde avec bienveillance et espère leur retour autour de la table familiale où chacun a sa place !

Laissons Dieu reconstruire nos cœurs de fils, d'enfants de Dieu et de frères entre nous. Telle est la joie du Père, celle où il nous accueillera dans son royaume, celle dont il nous donne déjà des signes en cette vie par l'amour qui a été répandu dans nos cœurs et dont nous essayons de vivre. Nous sommes aimés de Dieu et faits pour aimer jusqu'au bout. Aimons, réconcilions-nous, pardonnons, comme Il nous pardonne. Amen. Mgr G. Pontier