Homélie du Dimanche 25 Février 2024

Mgr Georges Pontier |  26 février 2024

Le contexte dans lequel nous vivons, guerre en Ukraine, guerre à Gaza, tensions dans la société française, spectacle de l'impuissance du droit face à la violence de la force, tout cela a de quoi nous inquiéter. Et s'il s'y ajoute des épreuves nous touchant personnellement ou bien nos proches, alors notre moral peut être atteint. Heureusement nous pouvons voir au niveau des individus des courages et des solidarités, réconfortants. L'exemple de Missak Manouchian, de sa femme et de ses nombreux compagnons honorés cette semaine est venu mettre un peu de lumière : Oui la mort et le mal peuvent être traversés par la lumière. Mais que le combat est rude et sans fin !

La liturgie du carême nous conduit ce dimanche à nous situer nous aussi dans ce combat de toujours entre confiance et désespoir. L'évangile de la transfiguration de Jésus devant les apôtres Pierre, Jacques et Jean, tout comme le débat intérieur dans le cœur d'Abraham invité à sacrifier ce qu'il a de plus cher, son Fils Isaac, se situent dans ce questionnement radical. Ce récit de la transfiguration vient dans une séquence qui débute avec la profession de foi des apôtres, de Pierre en particulier : « Et vous, que dites vous, pour vous qui suis-je ? », demande Jésus à ses disciples, et Pierre de répondre : « Tu es le Christ. » Suit immédiatement l'annonce du chemin que va emprunter Jésus : le rejet rencontré, la souffrance subie, la mort sur la croix et puis la résurrection. Pierre prend à nouveau la parole pour se rebiffer contre ce scénario ! Il s'entend dire : « Arrière, Satan ; Tes vues ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes. » Et Jésus poursuit en indiquant que celui qui veut le suivre devra prendre sa croix, perdre sa vie à cause de Lui et de l'évangile pour la sauver. Vient alors le récit de la transfiguration qui fera entendre la voix du Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le. » Soudain regardant tout autour, ils ne virent que Jésus seul avec eux. » Et celui-ci leur rappelle la consigne : ne rien dire de cette vue réconfortante avant sa résurrection. Mais eux ne comprenaient pas ce que signifiait « ressusciter d'entre les morts »

On dirait que Jésus voulait réconforter ses amis et les préparer à traverser l'insupportable, son arrestation, sa crucifixion, sa mort avec son lot de questions radicales : S'il est le Fils de Dieu, comment cela est-il possible ? Comment cela ne lui est-il pas épargné ? Comment Dieu peut-il avoir le visage défiguré, méconnaissable ? Oui, il est méconnaissable le Dieu que nous imaginons, le tout- puissant dont nous rêvons, le tout-puissant que nous voudrions être : à l'abri de tout souffrance, de tout échec, de toute forme de mort et de sa forme dernière ! Tout devrait se passer en douceur !

Jésus voulait que la vision du transfiguré les accompagne au moment où ils contempleraient le défiguré de la croix. Qu'ils n'oublient pas la voix du Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez le. » Qu'ils n'oublient pas la voix qui rappelle jusqu'où Dieu nous aime, jusqu'à donner son propre Fils, son bien-aimé pour le salut du Monde. « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, non pas pour juger le monde mais pour le sauver. » Le sauver du désespoir, le sauver de la profondeur de sa chute, le sauver de la folie de l'orgueil, du mensonge, de la haine, de la peur, le sauver du désespoir.

Le voilà le visage du seul Dieu qui existe, Celui qui s'est révélé en Jésus Christ, le Dieu d'amour qui n'est qu'amour et qui ne laisse jamais seul. Il s'est fait tout proche ! Il n'a pas fui sur le chemin !

Notre route humaine et notre chemin de croyant sont une succession de moments de lumières et d'interrogations profondes, voire de révoltes. Souvenons nous à ces moments du visage du défiguré de la croix, transfiguré sur la montagne. Il rayonne dans la gloire du Père. Il est passé le premier ! Il nous a ouvert le chemin ! Avec l'apôtre Paul nous pouvons redire : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Il n'a pas épargné son propre fils mais il l'a livré pour nous tous : comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ? » « Seigneur, fortifie en nous la foi ! ». Mgr Georges Pontier