Père Christian Teysseyre | 23 avril 2023
La foi ? Un chemin avec le Christ
Ce récit des pèlerins d'Emmaüs peut être lu avec diverses grilles
– comme chemin pastoral conduisant à la foi au Christ, mettant en œuvre la pédagogie du Christ, la manière de faire route avec – pour conduire à sa rencontre.
– comme parcours eucharistique avec ses 4 moments que nous retrouvons dans la structure de la messe, comme rencontre avec le Ressuscité
– comme lieu et temps où un récit s'effectue dans une relecture de vie, comme reconnaissance de la présence du Christ vivant, comme expérience croyante.
Je voudrais ce soir reprendre ce récit par rapport à l'expérience du doute à l'égard de la résurrection du Christ qui peut nous habiter et de la désespérance que nous pouvons connaître au cœur de nos vies.
Combien de personnes se demandent ce qu'il en est de la Résurrection du Christ.
Ils sont dans l'incapacité d'entendre l'annonce pascale. La salutation pascale joyeuse des chrétiens orthodoxes notamment en Russie : « Christ est ressuscité, Christ est vraiment ressuscité » peuvent leur paraître bien rituelle et vide. D'ailleurs de quel savoir disposons-nous à ce sujet sinon des humbles chemins parcourus dans le dénuement de sens et de mots.
Ce n'est pas sans quelque ressemblance avec ces deux disciples qui quittent Jérusalem pour gagner Emmaüs. Ils parlent ensemble de tout ce qui s'est passé et ils s'interrogeaient sur cela. Ces palabres sans fin quand on ne sait plus, quand on ne sait plus quoi dire, ni ce qui peut advenir.
L'étranger qui les rejoints sur la route les trouve bien tristes. Ils lui expliquent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth. Cet homme qui était un prophète. Nos grands prêtres et nos chefs l'ont livré. Ils l'ont fait condamner à mort et ils l'ont crucifié. Nous, nous espérions que c'était lui qui allait délivrer Israël ».
Une fin catastrophique. Une espérance morte, voilà où ils en sont. Tout est derrière eux, sans lendemain. Il est clair : il y a leur « nous » qui sait à quoi s'en tenir, et les autres qui disent…
Cet état ne surprend pas le voyageur, pas plus que la lenteur à croire. Le doute est le passage de la foi. Dans une juste approche on peut dire que « La foi est le doute traversé », ce qui veut dire qu'on ne s'arrête pas devant l'obstacle, fasciné et paralysé. Cela veut dire qu'on marche. C'est ce faisant que la foi nous rencontre et nous advient.
Nous voyons bien qu'il y a un processus de la foi, une mise en route.
Il y a au départ toujours une impossibilité à reconnaître le Christ vivant : « leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître ».
Le dialogue avec le voyageur inconnu va les conduire à dire le cœur profond, les attentes. Le Christ nous rejoints avant que nous prenions conscience de sa présence. Il fait route avec nous depuis toujours.
Il se fait longuement notre compagnon de route avant que nous le reconnaissions. Laisser le Christ m'être présent, accueillir cette présence.
Une autre étape requise pour avancer dans la foi, c'est de s'appuyer sur la foi de l'Église et sur l'expérience de tous ceux qui ont rencontré le Christ et ont cru en lui. Leur foi a deux sources : sa rencontre expérimentée et les Écritures.
Ce qu'il en est du Christ ne se comprend qu'ainsi : c'est ce que fait l'étranger voyageur : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrit tout cela pour entrer dans sa gloire et partant de Moïse et de tous les prophètes, il leur interpréta dans toute l'Écriture ce qui le concernait ». C'est à la lecture des Écritures que nous accueillons la foi au Christ : l'Évangile, les évènements du Christ relus à la lumière notamment des prophètes, et en particulier d'Isaïe.
C'est ce que nous continuons de faire par la Liturgie qui nous introduit à comprendre qui est le Christ et la signification du mystère pascal par les lectures mise en rapport. Comment pensons-nous croire si nous n'avons pas de contact avec l'Écriture ? si nous n'accédons pas au sens que nous ouvre le Christ sur qui il est.
Il y a le signe donné qui illumine le regard. Ici, la fraction du pain. Dans la rencontre du Christ, il y a un signe qui soudain fait entrevoir l'autre dimension du Réel au-delà des apparences, et donne une autre signification au vécu.
La foi introduit dans une autre connaissance.
Alors les yeux s'ouvrent. À ce moment, il disparaît à leur regard. Immense paradoxe, où l'on ne saisit rien et ne retient rien de ce qui est apparu unique, dans un moment de dévoilement soudain.
Ces croyants, on nous dit qu'ils voient. Mais ils voient quoi ? ce qui est hors du visible et du tangible. Nous avons cela dans tous les récits d'apparition du Christ ressuscité. Notre propre foi n'échappe pas à cela
Au départ ils n'étaient pas sans avoir entendu parler de ce qui s'était passé, nous l'avons entendu il y a un instant :
des femmes qui étaient allés au tombeau, des compagnons (Pierre et Jean comme nous savons par ailleurs) sont – eux aussi – allés au tombeau. Ce qu'ils ont entendu, ce sont des événements sans aucune portée pour eux. Ils ne connaissent que le factuel. Ils n'en savent pas plus et n'ont pas voulu ou pu sans doute en entendre davantage. Mais après leur propre expérience illuminatrice, quand ils reviennent à Jérusalem trouver les onze, ils entendent ce qu'ils savent désormais eux-mêmes « Le Seigneur est réellement ressuscité. Il est apparu à Simon Pierre ».
C'est dans une mutuelle reconnaissance que nous pouvons confesser ensemble le Christ, dans une même foi, c'est dans une mutuelle reconnaissance que la rencontre faite par chacun se trouve validée. C'est d'ailleurs ce que nous sommes appelés à vivre chaque dimanche.
Si le récit que nous avons lu ce jour s'arrête là à ce moment, tandis que l'évangéliste nous situe immédiatement après cela une nouvelle apparition aux onze et aux pèlerins réunis. La rencontre initiale n'est pas unique, elle ouvre sur d'autres rencontres, sur d'autres rendez-vous avec le Ressuscité pour entrer plus avant dans son mystère et prendre part pleinement à sa Vie.