Père Christian Teysseyre | 16 avril 2023
Cet évangile nous parle du rapport du doute et de la foi au travers d'une expérience personnelle. Nous sommes Thomas appelés à la foi dans la reconnaissance du Christ, dans une confession de foi personnelle de Jésus comme notre Seigneur et notre Dieu : « Mon Seigneur et mon Dieu »
Mais je voudrais laisser cet évangile nous éclairer sur d'autres aspects qui sans être premiers ne sont pas secondaires, parce que cela donne sens à notre pratique chrétienne.
Le Christ se fait présent à ses disciples réunis. Nous avons en ce premier jour de la semaine, la première assemblée du ressuscité, la première assemblée pascale. Le Christ vint et se tenait au milieu d'eux. Ces verbes aux temps différents soulignent quelque chose de factuel, d'immédiat et de statique, de réel. S'accomplit la promesse du Christ : « Quand deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là au milieu d'eux ». C'est cela même qu'il nous est donné de vivre le dimanche : le Christ vient à nous. Il se tient au milieu de nous et nous communique son Esprit. Il nous donne sa paix ; Il nous invite à le reconnaître lui le vivant qui a traversé la mort, portant les marques de la passion, nous donnant de prendre part à sa vie.
C'est là ce que vivent les assemblées chrétiennes dominicales. Nous en avons le plus ancien témoignage dans la lettre au Corinthiens des années 56 de notre ère. Même si nos assemblées représentent une faible proportion de la population (aujourd'hui – 8% de pratiquants réguliers 1 fois/mois, moins de 4% chaque dimanche), c'est tout de même assez étrange que chaque dimanche des milliers et des milliers de personnes se rassemblent au nom du Ressuscité dans notre pays (et des millions dans le monde). Ce fait n'appelle aucune manchette particulière des journaux. Et pourtant comment prête-t-on attention à la réalité de ces chrétiens assemblés ce jour-là au nom de leur Seigneur
Nous ne nous choisissons pas ceux et celles avec qui nous nous trouvons. Chacun a été appelé à la foi. Nos assemblées se constituent dans la diversité des âges, des appartenances sociales, ethniques. Même si ces diversités ne sont pas également affirmées, elles se donnent à voir.
Regardez ce que nous sommes ici- même, la diversité de provenances, de parcours, des géographies culturelles. Chacun est attendu, chacune a sa place.
En même temps il y aura toujours un Thomas absent. Nos assemblés ne peuvent oublier tous ceux et celles qui sont des éloignés et des absents. Comme Thomas, ils sont les futurs appelés à connaître le Ressuscité. En ce dimanche, nous pensons aux néophytes, aux nouveaux baptisés d'une semaine, baptisés dans la nuit de Pâques – qui trouvent leur place dans l'assemblée chrétienne en ce dimanche. Je me souviens qu'il y deux ans peut-être – dans cette assemblée, un nouveau baptisé portait une écharpe blanche venant communier. Je lui ai demandé s'il en était bien ainsi. C'était la première assemblée dominicale à laquelle il participait depuis son baptême. Peut-être cela est-il vrai encore aujourd'hui en ce dimanche ?
Nos assemblées sont toujours incomplètes, en attente d'accueillir de nouveaux frères et sœurs chrétiens.
Le Christ est notre paix. Il nous invite à la rayonner, à la mettre dans nos vies et dans ce monde. Un mot très banal. Une réalité immense et fragile. De la paix du cœur à la paix entre tous. La venue du Christ se manifeste par ce don de la paix (à Noël, à Pâques… quand l'évêque préside, il nous salue en disant la Paix soit avec vous. Avant de communier, nous recevons ce souhait : Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous.
Je voudrais souligner un autre aspect. Ce rassemblement n'est pas unique, exceptionnel, mais réitéré chaque dimanche. Nous allons de dimanche en dimanche. Le temps de nos vies est habité par la Pâque du Christ. Le Christ vient en nous sans cesse dans une Église appelée à croître dans la foi et à accueillir de nouveaux croyants.
On rencontre fréquemment des personnes qui vivent des événements comme des coups de foudre, dans l'intensité et la fulgurance comme si rien ne trouvait place ensuite – et la jeunesse a souvent cette perception. Or la vérité de ce qui nous rencontre se vérifie dans ce que nous devenons dans la durée. La foi au Christ n'est pas une fulgurance passagère, exceptionnelle mais une rencontre qui éclaire continuellement notre vie et la construit. S'établir dans la durée de la foi est bien plus risqué que d'accueillir l'exceptionnel.
Je voudrais enfin attirer votre attention sur deux repères chronologiques, mais qui disent bien plus que cela :
- Premier jour de la semaine (le lendemain du sabbat)jour de la résurrection, jour de la nouvelle création, jour nouveau, jour de la Lumière et de la Vie. Nous célébrons la victoire du Christ sur la mort. Un nouveau temps commence. « Comme le printemps se lève sur nous un jour nouveau » comme nous le chantons.
- Le huitième jour (huit jours plus tard). Vous savez la place du huitième jour dans la bible (7 plus 1), à commencer par l'Ancien Testament, comme annonce de la manifestation de Dieu, de la réalisation des temps messianiques, de la plénitude des temps, du ciel nouveau et de la terre nouvelle. Ce n'est pas sans raison symbolique que l'octogone préside dans l'architecture des églises anciennes au passage du carré du sanctuaire qui représente la terre à la coupole qui représente le ciel, ou encore à l'octogone des cuves baptismales anciennes conservées que l'on peut rencontrer tel le baptistère Saint-Jean de Poitiers (Ve-VIIIe siècle) ou les baptistères au Moyen-Orient.
Le 8e jour appelle la joie, la fête.
La fin, l'accomplissement de l'histoire (la plénitude de vie en Dieu) s'inscrit comme orientation et espérance dans l’aujourd’hui de nos existences. Le monde nouveau de Dieu rencontre la terre.
Le Dimanche, jour de la Résurrection, inaugure « un jour sans déclin, sans fin, ni jour, ni nuit » comme disent des Pères de l'Église[1]. Cette dimension peu présente à notre tradition occidentale n’est pas moins constitutive du baptême et du dimanche.
Le Dimanche nous donne à reconnaître un monde qui malgré ses pesanteurs, son opacité, ses lenteurs, a déjà goût de monde nouveau, fruit de Pâque. Le dimanche annonce le triomphe de la vie sur toute mort et toute désespérance.
Nous sommes donc entre le premier jour et le huitième, entre la récréation pascale et un à-venir de Dieu qui est l'accomplissement de nos vies, du temps et de l'histoire.
Voilà quelques clefs pour donner sens au dimanche, pour donner un sens renouvelé à ce jour où nous reconnaissons la seigneurie du Christ.
Chaque dimanche, il nous est donné d' accueillir la Vie du Christ ressuscité, de confesser Jésus, maître et seigneur de nos vies.
[1] « Nous voyons que ce jour est à la fois premier et huitième, un en tant que la vie future est une, sans succession, sans déclin, et huitième en tant que c'est le jour qui succédera à ce monde figuré par le septénaire…Comme la première création a commencé un premier jour, ainsi la deuxième création commence le même jour, qui est à la fois premier par rapport à ceux qui viennent après lui et huitième par rapport à ceux d'avant, plus sublime que le jour sublime, et plus admirable que le jour admirable »Grégoire de Naziance