Père Michel Pagès | 21 mars 2025
« Pensez-vous que ces galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres au point que Pilate les avait fait massacrer ? » (Luc 13, 1-9). Ah la culpabilité ! Notre nouvelle étape de Carême nous donne à voir ce sentiment dans les réactions humaines, comme s'il s'agissait de tous les temps. « Comment ai-je pu mériter ça « ? « Si cela lui arrive, c'est qu'il l'a sûrement mérité ! ».Voyez, on risque de ne pas en sortir ! Jésus écarte ces réactions, car on ne peut enfermer quelqu'un dans la culpabilité ou le calcul, comme on peut enfermer Dieu dans une caricature de « justicier rancunier guettant le bon moment pour régler ses comptes » ! Oui, ces idées traînent encore. Mais pour comprendre Jésus et son message, il faut accueillir l'image qu'il met sous nos yeux, celle du « figuier » qui, trois années durant déçoit ! Dans la vie, on peut avoir toutes les raisons de se lasser, et voilà qu'on nous invite à mettre tout en œuvre pour que les choses changent « bêcher autour »« mettre du fumier ». Si nous le prenons au sérieux, le Carême est bien à la mesure du cœur de Dieu, « lui qui fait pleuvoir sur les justes comme sur les injustes ». Dieu commence toujours par « donner du temps » parce qu'il ne veut désespérer de rien. Car « Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive ». Quelle est « la logique de Dieu » ? Celle de l'amour vis-à-vis de ses fils. Et Jésus nous est donné pour le comprendre. Lui le Fils unique du Père, assume toute notre condition mais ne cesse de nous avertir pour sortir d'une logique du mal qui juge, enferme, condamne, étiquette. Alors, on y revient toujours, en temps du Carême : qu'est-ce que se convertir ? C'est croire, d'abord, qu'aucun homme n'est là par hasard. Dieu donne la vie pour comprendre son amour et notre « vocation d'homme ». On peut passer à côté de beaucoup de choses, on peut en rater beaucoup, on peut aussi parfois douter de sa vie. Mais il y a urgence à se savoir aimé, urgence à aimer, urgence à changer ce qui empêche d'aimer. La justice des hommes est nécessaire pour corriger ce qui doit l'être, pour le bien d'une société et même l'Eglise doit l'entendre, l'actualité nous le rappelle et à quel prix ! Mais il y a Dieu et son plan d'amour sur le monde qui dépasse la seule justice des hommes, eux qui ont vocation à aimer, pas seulement à se corriger. « Se convertir », c'est aller au cœur de ce qu'est l'homme et son mystère. Père Michel Pagès, recteur du Sanctuaire