Père Michel Pagès | 25 août 2024
Nous venons de l'entendre, Jésus ne se contente plus de « donner des signes, il évoque ce qu'il est « en se donnant » ! « je suis le pain de vie….celui qui mange ma chair a la vie éternelle et moi je le ressusciterai au dernier jour »… C'est la valeur de la nourriture et du sens qu'on lui donne….Je pense à ma grand mère maternelle qui, en nous accueillant, ne cessait de dire : « Qu'est-ce que tu veux manger » ? « Qu'est-ce qui te ferait plaisir » ? Donner et se donner !
Et voilà que « ses disciples montrent leurs limites à entendre ces choses… « Cette parole est trop rude, qui peut l'entendre ? »… « A partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de le suivre » (Jean 6, 66) ». La suite est dans la bouche de Jésus : « Et vous, voulez-vous partir, vous aussi ? » (Jn 6, 67) Que faut-il entendre ? Un aveu de faiblesse, une peur, un seuil qu'il faut franchir pour aller plus loin ? Peut-être faut-il mieux entendre ce que Jésus dit : «La chair n'est capable de rien, c'est l'esprit qui fait vivre »…comme pour bien souligner « la tension » qu'il y a entre le matériel et le spirituel, ce qui nous est possible et sur quoi nous appuyer… Et, en écho, les mots de Jésus : « les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie »…« La chair » c’est notre réalité limitée. « L’Esprit » c’est Dieu lui-même qui investit les cœurs et les consciences, pour les élever à une dignité et les faire grandir. Notons que c'est la seule et unique fois où Jésus parle de « l'abandon possible » comme pour prendre conscience de ce qui s'y joue ! Et, en écho, c'est la première fois que Pierre parle « avec ses tripes », mieux « avec son cœur » : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ». La parole de Pierre est fragile, comme toute parole humaine mais elle est capable d'être une parole « qui donne vie et espérance, « l'appel de Dieu est une voix intérieure qui suscite en tout homme, un autre niveau, une autre dimension »… Oui, l’enjeu est de taille, mais il dépasse les ressentiments. Il faut se « tourner vers Celui qui appelle et qui sauve », celui, qui, à l’instant, dans l’Evangile, demande à tous ceux qui le suivent : Malgré tout, veux-tu avancer avec moi ! Malgré toutes tes limites et les multiples limites humaines, veux-tu avancer ? C'est cela le grand mystère de l'Eglise, en dépit de son humanité fragile ; sauver ce qui se perd ! Vous avez entendu St Paul (Ephésiens 5, 21(32) (c’est tout le mystère de l’Eglise qui est présenté) : « le Christ a aimé l’Eglise, il s’est livré pour elle, afin de la rendre sainte, en la purifiant par le bain baptismal…car il voulait se la présenter, resplendissante, sans tache ni ride, car il la voulait sainte et immaculée »…
Serait-ce que l’épreuve purifie ? Serait-ce qu’une crise appelle un renouveau ? Serait-ce qu'une faiblesse, une peur soit un appel à « se reconstruire » ? Moi je dis oui et vous ?
St Césaire d'Arles, saint évêque de Provence du IVe siècle, disait dans sa prédication, toujours si concrète:
« Il faut toujours recoudre ce qui est décousu, raccommoder ce qui est déchiré, laver ce qui est sali, remplacer ce qui est détruit…pour enfin fêter ce qui va mieux…car nous sommes, en ce siècle, des voyageurs, nous devons nous rappeler sans cesse que nous ne sommes pas encore arrivés à la maison… »
Père Michel Pagès, recteur