Père Christian Teysseyre | 8 janvier 2023
Il n'est pas indifférent que les premiers à se tourner vers le Christ et à le reconnaître aient été les pauvres bergers de Bethléem, dans leur veille et ces mages étrangers, venus d'Orient.
Dans le monde qui est le nôtre, nous avons là deux types de cheminements qui peuvent nous éclairer sur : qui est appelé, quelle démarche est donnée à vivre, comment se mettre en route, que nous est-il donné de découvrir.
Dans cet univers de fracture et de délitement, il y aura toujours des chercheurs de Dieu. Ce n'est pas seulement un futur, et une espérance, c'est un présent humble et caché dont on peut être témoin, (comme il m'a été le donné de l'être le mardi qui a suivi Noël). Ces mises en route sont étonnantes, en décalage avec les logiques du monde, les programmations annoncées, les conformités culturelles à adopter.
Je voudrais rappeler quelques traits de toute démarche spirituelle, chrétienne :
Les mages nous la décrivent… Nous les trouvons alors qu'ils sont près du but et penseraient même l'avoir atteint.
- Il y a au préalable une attention portée à un univers qui nous dépasse, à un autre monde. Cela réclame une persévérance, une constance, une disponibilité à ce qui peut surgir, se lever. Cette attention habite des cœurs. Il y a un travail intérieur silencieux, lancinant ou obstiné, un investissement de soi.
- Il faut savoir la nuit et son étendue pour voir la lumière qui nous est donnée.
- Il y a quelque chose, une réalité, qui se donne à entrevoir, qui n'appartient pas au registre connu; une étoile inconnue qui nous fascine, un événement qui nous fait percevoir quelque bouleversement. Cette étoile apparaît, disparaît. C'est dire que sa découverte, la place qu'elle tiendra dans notre vie demande du temps…le temps précisément de lui faire place, de l'identifier. Savoir se laisser interpeller. Accueillir la découverte faite, au-delà de l'immédiat ou du superficiel.
- Ce qui est entrevu nous oblige à nous mettre en route. Des choix s'imposent. Il s'agit de déterminer ce qui prévaut et commande. Partir vers l'inconnu avec ce que l'on entrevu et que l'on garde dans son cœur. Aller sans route précise.
- On marche à plusieurs. On n'est pas seul à voir et avoir vu. D'autres vivent la même démarche. Ils sont nos compagnons de route. Ils nous sont donnés. Nous partageons avec eux cette même quête. Tous s'inscrivent et s'inscriront dans la longue marche des chercheurs de Dieu
- Ce qui a été entrevu n'enlève pas les difficultés. Il y a des doutes qui apparaissent, des pertes de repères, des obscurcissements. On perd de vue le chemin et l'étoile. On rencontre l'étrange cécité de ceux qui sont censés connaître.
- Il est nécessaire d'être guidés, confortés, que des repères soient donnés pour trouver la lumière : la Parole de Dieu, les textes sacrés, ceux qui qui ont pour mission de l'annoncer, les témoins qui croient cette Parole et l'annoncent.
- Dieu marche avec nous et nous précède. Dieu n'est pas seulement le terme du chemin. Il est le chemin. Il est aussi au-devant de nous.
- Nous devons nous laisser guider avec confiance là où nous sommes attendus, sans nous tromper sur les lieux et nous laisser prendre par les apparences trompeuses. Dieu n'est pas là où nous penserions le trouver. Il nous renvoie plus loin…au plus caché, au plus humble. Il importe de ne pas nous tromper de lieu.
- Rencontrer le Christ est une illumination. C'est la joie de la découverte. La manifestation de la grâce suscite une très grande joie « Ils se réjouirent d'une très grande joie ».
Ce que l'on reçoit est plus grand que ce que l'on apportait avec soi.
Le chemin est à continuer, autrement. On est toujours des pèlerins, mais des pèlerins éclairés, habités par une présence intérieure.
Dans ce monde abimé, surfait dans ses certitudes qu'il croit et veut universelles, devant une Église qui étale ses faiblesses et ses contradictions, nous pourrions nous demander : y-a-t-il place encore aujourd'hui pour le chemin de la foi au Christ. Certains pensent que non et le déclarent haut et fort, avec assurance.
Mais c'est oublier que le maître de l'histoire, c'est Dieu et non nos analyses sociologiques, les statistiques et nos horloges.
Nous ne sommes pas les maîtres de la route.
Notre expérience ne commande pas celle des autres.
Le Christ est-il le but de notre pèlerinage ? pour nous et pour tous les hommes ? Le prophète Isaïe, dans les effondrements d'alors, osait dire : « Debout, Jérusalem resplendis, elle est venue ta lumière. Sur toi se lève le Seigneur, alors que les ténèbres couvrent la terre ».
Quelle est notre vision ? Savons nous regarder et voir ce qui vient ? Savons-nous nous en étonner ? Savons nous rendre grâce pour ce qu'il nous est donné de découvrir nous-mêmes chaque jour ou de ce qu'autres vivent, conduits par la grâce au partage de la même espérance (Paul aux Ephésiens).
Que cette épiphanie de Dieu soit nôtre, aujourd'hui, en notre monde.