Père Lizier de Bardies | 17 mai 2020
Après une première semaine de ‘déconfinement' nous devrions bientôt savoir quand nous pourrons à nouveau nous rassembler dans nos églises pour y célébrer l'eucharistie, et dans quelles conditions de protection et dispositions de prudence. Sera-ce pour Pentecôte, le 31 mai, ou plus tard en juin ? Mais déjà les textes de la liturgie dominicale – comme ceux aussi du jour de l'Ascension – nous préparent à accueillir dans quelques jours la descente et le don du Saint-Esprit sur les apôtres confinés au Cénacle avec quelques disciples, dont la Vierge Marie.
À la Pentecôte auraient dû être célébrée à la cathédrale, par notre archevêque, la confirmation de la majorité de quelque 150 adultes qui ont été accompagnés vers la réception de ce sacrement par le service diocésain du catéchuménat ; de même, en la vigile pascale, à laquelle nous n'avons pu nous associer que devant nos écrans, devaient aussi recevoir le baptême plus de 120 catéchumènes, dans leurs communautés respectives. Eux aussi attendent avec impatience et quelquefois anxiété de pouvoir naître à la vie nouvelle.
*Baptêmes, confirmations… nous savons tous que Jésus a été baptisé par Jean-Baptiste dans les eaux du Jourdain. Mais quand Jésus a-t-il été confirmé ? La question peut paraître étrange, mais Pierre indique une réponse dans le passage de sa Première Lettre que nous lisons ce dimanche : « Il a été mis à mort dans la chair ; mais vivifié dans l'Esprit. »
Saint Paul est encore plus explicite dans sa Lettre aux Romains : « Selon l'Esprit de sainteté, il a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d'entre les morts, lui, Jésus Christ, notre Seigneur. (Rm 1, 4)» La résurrection de Jésus est l'oeuvre du Saint-Esprit, dont nous professons dans le credo qu'« Il est Seigneur et il donne la vie. »
Être établis dans la puissance de Fils de Dieu : voilà une formulation qui peut nous aider à comprendre l'importance du sacrement de confirmation, qui déploie en chacun des baptisés la plénitude de la dignité de prêtre, prophète et roi dont il est revêtu dans le Christ.
Bien sûr la naissance à la vie nouvelle et la consécration qu'apporte le baptême chrétien sont déjà l'oeuvre de l'Esprit Saint. Comme le dit Jésus au pharisien Nicodème : « Personne, à moins de naître de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. (Jn 3, 5)» Mais le sacrement de la confirmation, qui représente finalement la participation de chaque baptisé à l'événement de la Pentecôte, le fait participer dans le Christ à la pleine puissance de la résurrection. Dans le récit qu'en fait Luc nous en voyons d'ailleurs immédiatement les effets sur les apôtres, quand l'Esprit Saint se manifeste sur eux comme sous la forme de langues de feu.
Le sacrement de confirmation achève celui du baptême, il est son sceau dit la théologie la plus traditionnelle ; il est en quelque sorte appelé par lui, et tous les baptisés devraient être confirmés. C'est d'ailleurs pourquoi les Églises d'Orient ne dissocient jamais la réception des deux sacrements, et l'Église catholique prévoit qu'au moins les adultes reçoivent normalement au cours de la même célébration les sacrements de baptême et de confirmation, ainsi que celui de l'eucharistie qui achève leur initiation chrétienne.
La première lecture de ce dimanche met bien en relief le geste sacramentel de l'imposition des mains en vue du don du Saint-Esprit, après le bain du baptême. L'un des Sept, Philippe, établi dimanche dernier avec ses compagnons pour le service des tables, est obligé de fuir Jérusalem à cause de la violente persécution des disciples de Jésus, à laquelle le futur Paul, non encore converti, participe activement. La puissance de l'Esprit accompagne Philippe, et une ville de Samarie accueille l'Évangile, et ses habitants reçoivent le baptême.
Ce n'est pas moins que les apôtres Pierre et Jean qui sont envoyés sur place afin que les Samaritains reçoivent l'Esprit Saint. « En effet, l'Esprit n'était encore descendu sur aucun d'entre eux : ils étaient seulement baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors Pierre et Jean leur imposèrent les mains… »
Paul, cette fois devenu chrétien, procèdera de même avec quelques croyants qu'il rencontrera à Ephèse : « Après l'avoir entendu, ils se firent baptiser au nom du Seigneur Jésus. Et quand Paul leur eut imposé les mains, l'Esprit Saint vint sur eux… (Ac 19, 6)»
*Dans l'évangile de ce jour, enfin, nous sommes à nouveau au cénacle, lors du dernier repas de Jésus, et celui-ci, annonçant son départ, promet à ses disciples de prier le Père afin qu'il leur envoie « un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous ». Jésus le nomme :
« l'Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir. » Le mot grec : ‘Paraclet' était traditionnellement traduit par : ‘Consolateur'. Mais l'on comprend surtout, ici, que l'oeuvre du Saint-Esprit n'est pas différente de celle de Jésus, qui est le premier ‘Défenseur'. L'Esprit – qui n'est déjà pas absent : « Vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous » – continue et achève l'oeuvre du Christ. De même que le Christ – nous l'entendions
dans l'évangile dimanche dernier – ne fait d'autres oeuvres que celles du Père.
*L'Esprit de vérité est l'Esprit de Jésus, puisque Jésus est la Vérité. Et son oeuvre, précisera plus tard Jésus, est de conduire les disciples « à la vérité tout entière. » (Jn 16, 13)». Comprenons : au Christ total.
« Il vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. (Jn 14, 26). » Étonnante promesse, mais pleine de sens : c'est l'Esprit qui nous fait reconnaître Jésus. « Personne n'est capable de dire : « Jésus est Seigneur » sinon dans l'Esprit Saint » écrira Paul aux Corinthiens (1 Co 12, 3). Et, si l'on peut dire, la vérité du Christ est toujours devant nous, toujours à recevoir, car l'Esprit-Saint fait jaillir sans cesse la nouveauté de l'Évangile. Les
chrétiens qui ont toujours le regard rivé sur le rétroviseur finissent par faire fausse route, et l'Église quand elle devient autoréférentielle manque à sa mission. « N'éteignez pas l'Esprit » écrira encore Paul aux Thessaloniciens (1 Th 5, 19) Pour nous préparer à la célébration de la Pentecôte – que cette célébration puisse avoir lieu dans nos église ou que nous nous y associions devant nos écrans – nous retiendrons aujourd'hui que l'Esprit sera envoyé par le Père à la prière de Jésus (ce qui explique d'ailleurs que le don du Saint-Esprit soit attribué dans l'Évangile autant au Père qu'à Jésus). C'est donc dans la prière que nous veillerons, demandant au Père que son Esprit nous renouvelle, et « renouvelle la face de la terre ».
Par exemple avec le Veni sancte Spiritus que nous pourrons prier chaque jour des 9 jours qui séparent l'Ascension de la Pentecôte :
Viens, Esprit Saint, viens en nos coeurs
Et envoie du haut du ciel Un rayon de ta lumière
Viens en nous, viens père des pauvres,
Viens, dispensateur des dons,
Viens, lumière de nos coeurs.
Consolateur souverain,
Hôte très doux de nos âmes,
Adoucissante fraîcheur.
Dans le labeur, le repos,
Dans la fièvre, la fraîcheur,
Dans les pleurs, le réconfort.
Ô lumière bienheureuse,
Viens remplir jusqu'à l'intime
Le coeur de tous tes fidèles
Sans ta puissance divine,
Il n'est rien en aucun homme,
Rien qui ne soit perverti.
Lave ce qui est souillé,
Baigne ce qui est aride,
Guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide,
Réchauffe ce qui est froid,
Rends droit ce qui est faussé.
À tous ceux qui ont la foi,
Et qui en toi se confient,
Donne tes sept dons sacrés.
Donne mérite et vertu,
Donne le salut final,
Donne la joie éternelle.