Père Christian Teysseyre | 5 février 2023
Vous êtes la lumière du monde ! Entendez-vous ?
Jésus après avoir enseigné ses disciples, tous ceux qui commençaient à le suivre, après leur avoir indiqué où se trouve le bonheur, comment l'obtenir, a une parole étonnante. Il leur déclare sans ambages : « Vous êtes le sel de la terre, Vous êtes la lumière du monde ». Comment ont-ils entendu cela ? Nous sommes tellement familiers des mots de l'évangile, que ceux-ci ne nous surprennent plus. Il y a de l'audace, quelque chose d'incroyable, d'inouï dans le propos de Jésus. Le propos risque de nous sembler excessif, démesuré.
Et pourtant : Quelle promesse ! quelle identité soudain dévoilée ! quel horizon insoupçonné !
C'est dire que toute vie est faite pour un rayonnement , pour éclairer le monde (avec la lumière) et pour exercer une action salutaire : fertiliser et rendre possible la vie sur cette terre, donner saveur à la vie (avec le sel)
Nous avons là une réponse à des questions que nous nous posons : à quoi sert une vie ? Qu'est-ce que cela change de croire ?
Jésus ne s'est pas contenté d'affirmer qu'il est la lumière du monde. Il nous donne en partage cette mission par ce que nous devenons (vous êtes dit-il, forme déclarative au présent). Et ce que nous sommes se manifeste par ce que nous faisons.
« Que votre lumière brille devant les hommes, alors voyant ce que vous faîtes de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est dans les cieux ».
Nous risquons d'être perplexes devant une telle affirmation si nous avons quelque connaissance de nous-mêmes. Le scepticisme risque de s'installer quand nous considérons les contradictions des uns et des autres sans oublier les nôtres, comme aussi devant l'indifférence du monde qui ne semble pas attendre quelque lumière, et pas spécialement du côté des chrétiens.
Bien sûr comme l'apôtre Paul, nous ne pouvons pas méconnaître nos faiblesses
Comme lui nous sommes souvent « dans la faiblesse, craintif et tout tremblant » devant la mission démesurée de rayonner le Christ et l'Évangile.
Comme Paul nous devons nous rappeler que « c'est par l'Esprit et sa puissance qui se manifeste » en nous, par nous, que ce rayonnement est rendu possible.
D'abord affirmons que nul n'est juge de soi, de son rayonnement. Le penser, c'est soit se faire illusion sur soi, soit courir de grands risques et en faire courir à d'autres par tromperie. Le témoignage n'est pas de l'ordre de la démonstration qui force et oblige. Cette position inconsciente autocentrée génère le vent, la vanité et le vide. Comme le dit ailleurs Jésus dans l'évangile de Jean (ch 7) : « Celui qui parle de son propre chef, de soi-même, de sa propre initiative – ou encore selon lui-même / cherche sa propre gloire »
Chacun lit et reçoit des autres ce qui lui est donné d'accueillir, de recevoir. Nous pouvons dire chacun pour notre compte les personnes qui par leur manière de vivre nous ont aidé à croire, qui ont été rayonnantes. Elles ne le savaient pas. Mais elles ont laissé des reflets et des éclats d'évangile dans notre vie.
Car l'Esprit était à l'œuvre en elles en dépit des faiblesses qui pouvaient être les leurs, c'est à dire des limites humaines et des difficultés rencontrées.
Dès lors, la question est de savoir si nos faiblesses sont un obstacle et un antagonisme disqualifiant ou le lieu où l'action de Dieu peut se manifester, pour que précisément la foi repose non sur nos capacités et savoirs et savoir-faire humains, mais sur la puissance de Dieu. Saint-Paul développe cet aspect souvent dans ses lettres et notamment dans celle aux Corinthiens que nous lisons ce jour, dans ce passage qui fait suite à ce que nous entendions dimanche dernier où il nous était dit : « Ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort ». Dieu confie sa Parole à une humanité imparfaite.
Nous lisons aussi dans la lettre aux Romains : « l'Esprit vient en aide à notre faiblesse ». Ou encore cette autre parole de l'apôtre indiquant l'action du Christ en lui : « Ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse ».
Pour cela, il faut consentir à se laisser façonner et construire par Dieu, trouvant la force au cœur même des épreuves traversées, à l'exemple du Christ.
Car la lumière se diffuse à travers les humbles gestes quotidiens, gestes d'engagement et de services des autres, dans le soutien, l'accueil, la paix communiquée, la compassion, l'attention portée à toute personne et en particulier à celles qui connaissent l'épreuve, le dénuement comme l'indiquait le prophète Isaïe qui lui aussi n'hésitait pas, avant le Christ, à identifier l'auteur de bienfaits à la lumière. Parole forte qui conclut sa description des gestes de bienveillance et de justice : « Ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière ».
Par ce que nous consentons à vivre, nos obscurités peuvent être changées en lumière.
Quel défi.
Oui nous avons trop souvent une approche de la foi comme une lumière que nous recherchons pour nous-mêmes. Et nous avons là un renversement saisissant : c'est notre vie qui est appelée à devenir lumière.
Cette réalisation et ce changement ne résulteront pas de notre capacité et de notre bon vouloir, mais de l'œuvre de l'Esprit en nous. Prenons appui sur la puissance de Dieu.
Croyons que la vie évangélique est une force de transformation, une lumière pour l'humanité.
Vivons selon la pensée du Christ. Cela demande de se décentrer de soi pour laisser Dieu agir en nous.
Recevons pour nous-même ce qui est en jeu : la promesse du Christ, notre identité dévoilée, le véritable horizon de notre vie.