Père Christian Teysseyre | 18 décembre 2022
Que dit l'apôtre Paul aux nouvelles communautés chrétiennes, telle celle de Rome : que Jésus est l'évangile de Dieu, qu'il est l'évangile promis. Jésus n'est pas seulement porteur d'un évangile, d'une Bonne Nouvelle. Il est lui-même la Bonne nouvelle, annoncée et promise. « Cet évangile que Dieu avait promis d'avance concerne son Fils ».
Pour que le nom de Jésus soit reconnu de tous ceux qui sont appelés à la foi, l'apôtre précise que son action d'apôtre découle d'une mission qui appartient au dessein éternel du Père. Cela vaut pour tous les peuples qui accueilleront l'Évangile, les nations païennes. Cela vaut pour nous. L'apôtre ajoute que c'est par le Christ que nous recevons la grâce et la paix ».
La grâce désigne le don gratuit de Dieu, et le don par excellence est la Paix de Dieu, Dieu lui-même. Comment s'étonner dès lors que la Paix soit l'indicatif de l'annonce de la naissance du Christ ?
N'est pas à ce chant des anges dans la nuit de Noël que les bergers recevront l'annonce d'un sauveur), comme aussi l'annonce du Christ ressuscité, annonce que le Christ fait à ses apôtres quand il leur apparait : « la paix soit avec vous » leur dira-t-il.
C'est cette réalité qui advient avec la venue de Dieu, quand Dieu prend chair en notre humanité.
Jésus est le don du Père, l'Emmanuel, Dieu avec nous, mais aussi Dieu donné, comme les langues latine et romanes aiment le dire dans le beau prénom méridional de Deodat, ou en français le prénom Dieudonné
Jésus est le don de Dieu, le don de l'Esprit Saint. C'est la révélation de l'ange à Joseph : « l'enfant qui est engendré en elle [Marie], vient de l'Esprit Saint ».
Dieu vient parmi nous de manière ordinaire et extraordinaire, c'est ce que les évangiles nous rapportent dans les deux récits d'annonciations, celle à Marie et celle à Joseph que nous lisons aujourd'hui. Ici aussi, comment s'étonner que Dieu agisse ainsi ? Il fait de même dans nos vies. Dieu vient de manière ordinaire, imperceptible, s'inscrivant dans la chair de notre histoire et des événements de nos vies, mais aussi de manière inattendue, imprévue voire insolite, par pure grâce.
Marie reçoit le Verbe de Dieu. Elle l'accueille dans sa foi et dans sa chair. Saint Augustin aimera commenter que Marie a conçu le Verbe d'abord dans sa foi avant de le concevoir dans sa chair. Il a ce propos étonnant et déconcertant, mais si profond et éclairant : « Marie fut plus heureuse de recevoir la foi au Christ que de concevoir la chair du Christ… Elle était plus heureuse de porter le Christ dans son cœur que de le porter dans sa chair ».
En effet, ce don de Dieu pour trouver sa réalisation réclame le consentement de Marie, et son obéissance à la Parole : qu'il me soit fait selon ta Parole. Marie n'est pas un instrument passif dans les mains de Dieu. Elle a coopéré au salut de Dieu dans la liberté de sa foi et de son obéissance. Il en est de même pour Joseph, comme pour nous. Joseph aura à consentir à ce qui le dépasse et le déroute. Il a sa place propre, son rôle à tenir dans la venue de Dieu – rôle et place qui ne se réduisent aux seules missions immédiates et premières, relatives à l'identité de l'enfant à naître, à savoir : exercer une paternité légale, donner le nom à l'enfant et l'inscrire dans la lignée davidique.
Il n'y pas que la réponse de Marie. Chacun pour sa part, comme Joseph, coopère par sa foi et son obéissance à la venue de Dieu.
Dans ce récit nous avons un enseignement primordial qui a retenu les communautés chrétiennes des premiers siècles et a été au cœur des débats des premiers siècles sur la personne du Christ : L'incarnation appartient au dessein de Dieu. Elle se dit par les commencements humains. Dieu est Dieu en venant en ce monde. Ce n'est pas dans une adoption ou une conscience progressive d'identification que Jésus devient le Fils bien aimé du Père. Il l'est de toute éternité.
Celui qui vient dans cet infime commencement est le Sauveur, Jésus – ce qui signifie précisément « le Seigneur sauve ! ».
Le dessein de Dieu ne peut se réaliser sans le concours actif de l'humanité
Marie enfantera un fils – on lui donnera le nom d'Emmanuel « Dieu avec nous ».
C'est notre foi. C'est la foi de l'Église comme nous la professons dans cette affirmation du credo :
« Il est Dieu né Dieu, engendré non pas créé, consubstantiel au Père. Pour nous les hommes et pour notre salut il descendit du ciel. Il a pris chair de la Vierge Marie et s'est fait homme »
L'annonciation à Joseph dessine et préfigure toutes les annonciations qui suivront, annonciations faites aux hommes, faites à chacun de nous. L'annonciation à Joseph vient en premier lieu inscrire cette venue dans la longue histoire d'alliance de ce peuple, dans sa foi et dans son espérance.
Avec Joseph accueillons Jésus le Sauveur. Les voies de Dieu seront toujours surprenantes. Y aura-t-il des cœurs droits et simples pour l'accueillir et croire en la venue du Verbe éternel de Dieu en notre humanité et en toute humanité. Car Jésus n'est pas à recevoir seulement comme un message d'amour universel, comme un enseignement exceptionnel sans doute, mais à recevoir comme personne humaine et divine, vrai Dieu et vrai homme. Il est le Chemin, la Vérité et la Vie. Il y a aura toujours des hommes et des femmes qui naîtront à une nouvelle vie en laissant Dieu naître en eux.
Avec Joseph consentons aux chemins de Dieu. Avec Joseph faisons confiance à ce que Dieu dévoile. Le chemin de Dieu demande à être lu, reçu et cru. D'où la nécessité : de lire les signes (cf 1ère lecture),de recevoir la promesse de Dieu, de croire en sa réalisation. Trois attitudes décisives.
Nous sommes invités à ressembler à Joseph dans sa droiture et son ouverture totale à ce que Dieu fait. Cela nous demande de vouloir vivre en toute chose ajusté et accordé à Dieu. Demandons cette disposition pour nous trouver dans l'attente de l'imminent avènement de Dieu, pas seulement lors de la célébration de la fête de Noël, maintenant proche, mais avant tout, de l'avènement de Dieu aujourd'hui dans nos vies et dans ce monde.