Père Christian Teysseyre | 4 juin 2023
Le Dieu qui se fait connaître, le Dieu de Jésus-Christ
Ces fêtes placées après la pentecôte, constituées par un objet de foi sont tardives : qu'il s'agisse de la fête du corps du Christ ou de la Trinité (la première instituée en 1264, celle de la Trinité un siècle avant). La liturgie nous enseigne par elle-même, par ce que nous accomplissons, elle n'appelle pas d'approche thématique et didactique. La liturgie nous enseigne par ce que nous effectuons en célébrant. Cela suffit. Et pourtant nous sentons bien qu'il n'est pas superflu de nous demander en quel Dieu nous croyons. Quel est le Dieu de Jésus- Christ ?
Lorsque les questions relatives au Christ ont surgi au quatrième siècle, Il a fallu clarifier ce qu'on dit du Christ, ce qu'on dit de la trinité. Le débat a été vif. Les doctrines erronées se sont succédé, les grands conciles aussi. Certains parmi vous se souviennent peut-être de la liste apprise de ces conciles, 7 grands conciles christologiques qui ont jalonné les IVe-Ve siècle ; ils vont devoir préciser cela de manière rigoureuse et claire (dont 4 grands conciles : Nicée en 325, Constantinople 381, Ephèse 431, Chalcédoine en 451.
Ce n'était pas les seuls théologiens qui étaient engagés dans ce débat, mais aussi le peuple qui avec son sens de la foi, pressentait bien les enjeux des positions et de la véritable confession de foi qui en est résulté, celle-là même que nous disons le dimanche. Nous ne cherchons pas d'autres mots, d'autres confessions de foi. La foi d'hier est notre foi aujourd'hui. C'est une référence sûre au-delà des mutations culturelles
Il est bon de nous convaincre de cela. Nous risquons de réduire la foi en Dieu à notre attente et besoins spirituels. On voit d'ailleurs à différentes époques comme un besoin de s'écarter de la foi reçue pour se constituer un corpus rationnel acceptable, une sorte de compendium portatif fait de valeurs universelles, expurgées des gangues jugées inutiles et dépassées.
Professer la foi chrétienne ne peut se faire en rejetant l'Ancien Testament. C'est d'ailleurs une autre erreur qui est apparue régulièrement et très tôt – avant même l'an 150 (Marcionisme). La foi en Jésus-Christ est inséparable de tout ce qui s'est passé dans l'histoire religieuse d'un petit peuple du Moyen Orient, dans sa lente découverte du Dieu unique qui se révèle, histoire de son cheminement que l'on parcourt dans les livres sacrés (Ancien testament).
Parfois ce long cheminement nous déconcerte, ce qui nous conduits à nous interroger sur l'Ancien Testament. La foi en Jésus-Christ ne saurait se vivre sans cette histoire. Le Christ est pour nous la manifestation de la pleine réalisation du dessein de Dieu, l'accomplissement de cette histoire. C'est ce qu'affirmait le pape Pie XI en disant : « spirituellement, nous sommes des sémites ». On n'accède pas à la foi au Christ sans la révélation antérieure.
La première lecture de ce dimanche nous conduits à cette compréhension : Nous voyons le Dieu saint et unique engagé dans une relation personnelle avec un peuple qu'il se constitue et envers qui il s'engage par alliance. Telle est la vision de foi que nous avons à l'égard de cette montée vers Dieu : Moïse va avec les tables de la Loi, avec les paroles de vie, la charte reçue. La connaissance de Dieu est inséparable d'un engagement éthique, d'une façon de vivre comme acte de fidélité à la présence de Dieu qui accompagne et conduit.
C'est un Dieu qui se révèle, qui se fait connaître. Il se dit ; Il dit son être ; il dit son nom : « Le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux ». Moïse et tout croyant après lui a la certitude d'une appartenance et d'un lien « Tu feras de nous ton héritage ». C'est en effet un Dieu qui marche « avec » et « au milieu de » son peuple. Il y a là quelque chose de spécifique de la révélation judéo-chrétienne. L'homme marche en présence de Dieu et sous son regard
Cette rencontre conduit à l'adoration.
Les prémices de la foi trinitaire vont se donner à entrevoir tout au long de cette histoire sainte. Premières compréhensions du Mystère de Dieu qui se dit dans sa Parole, son Verbe, la Sagesse, l'Esprit de Dieu qui renouvelle toute chose, pour une nouvelle création.
Mais c'est avec Jésus, ce qu'il dit de lui-même, de sa relation au Père et à l'Esprit qu'il nous communique, c'est avec Jésus que nous est dévoilé pleinement et définitivement le mystère de Dieu. Il n'y a pas d'autre Dieu que le Dieu de Jésus-Christ, telle est la foi des chrétiens, professée depuis 21 siècles de par le monde.
L'extrait de la lettre aux Corinthiens, dans cette mention d'une bénédiction trinitaire que nous reprenons souvent au début de la messe, témoigne de cette compréhension que l'Église a à sa naissance (année 56 de notre ère).
Nous croyons et nous accueillons la réalité d'amour et de communion qui unit le Père, le Fils et l'Esprit.
Dieu le Père est la source de tout amour. Le Père nous envoie son Fils, le Fils qui est à l’image du Père et qui nous donne son Esprit
Le Fils nous introduit dans l'alliance nouvelle et éternelle
L'Esprit nous introduit dans la connaissance et la vie du Père
Un théologien laïque contemporain décédé, Xavier Lacroix, spécialiste de la théologie du sacrement du mariage a cette approche « Nous reconnaissons le Père comme source du don, le Fils » comme corps du don, l'Esprit comme souffle du don. » c'est dire en d'autres termes la vie qui se donne, la vie qui circule, la vie dans laquelle nous entrons, et qui nous habite.
Il n'est pas accidentel que ce théologien du mariage parle ainsi de la Trinité, source, communication et modèle du don.
En effet, cette révélation de Dieu conduit à une vision de l'homme qui a pour fondement l'altérité et la communion.
Nous savons que certains hier et aujourd'hui ont un mépris voire une haine de ce qu'il nomme le judéo-christianisme. Il n'est pas difficile d'entrevoir quelle compréhension de l'homme est donnée par substitution. Nous la voyons s'étaler nous nos yeux dans toutes les formes de déshumanisation. Ce constat a conduit le pape François dans son homélie de dimanche dernier à dénoncer cet état de désagrégation au vu des discordes et des divisions qui traversent ce monde. Il disait : « Nous nous trouvons déconnectés les uns des autres, anesthésiés par l'indifférence et opprimés par la solitude », Cet état dénoncé est en effet le contraire d'un monde façonné par l'Amour du Dieu trinité. L'Esprit Saint poursuivait-il « s'oppose à l'esprit de division parce qu'il est harmonie » ; il « apporte la paix » et « l'unité ».
Je conclurai en renvoyant à une réalité si simple qui nous fait entrer dans le mystère de Dieu. Quand, traçant le signe de la croix sur notre corps, nous disons en même temps : Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Souvent nous n'y prenons pas garde. Nous avons une superposition de la croix de Jésus et de la confession de foi au Dieu trinité, trois fois saint. C'est par la croix de Jésus, c'est sur la croix, que Dieu nous est dévoilé.
Alors tout se reçoit et tout nous est donné. Ce signe (de la croix) est une porte d'entrée pour nous établir dans une relation au Dieu vivant, dans le même mouvement d'amour, de don et de communion.