| 12 novembre 2020
Comparerons-nous le Gouvernement ou le Président de la République aux jeunes filles insouciantes de la parabole, leur reprochant imprévoyance et manque de sagesse ?
Dans son discours du mercredi 28 octobre annonçant un nouveau confinement de quatre semaines – qui ne s'étend plus à la totalité de la population ce coup-ci – le Chef de l'État exprimait vouloir préserver l'avenir, et dans deux directions : éviter d'atteindre dans les structures hospitalières la limite des capacités d'accueil de patients en réanimation, sans toutefois arrêter ni effondrer l'économie ; et « cultiver l'espoir de célébrer en famille ce moment si précieux de Noël et des fêtes de fin d'année. » Il fallait pour cela, expliquait-il, « donner un coup de frein brutal aux contaminations », c’est-à-dire retrouver à partir du surlendemain le confinement qui a stoppé le virus au printemps. Un point d'observation de la situation conditionnant les décisions ultérieures est annoncé pour mi-novembre.
Ce « coup de frein brutal », une part fatiguée, alarmée, voir désespérée, de la population n'était apparemment pas disposée à y prendre part, à la différence du premier confinement.
*Une dizaine d'évêques français ont saisi le Conseil d'État pour exiger que l'Église soit exemptée de la règle et puisse continuer à organiser des rassemblements (comprendre : la messe) dans des lieux destinés à accueillir du public (comprendre : les églises). Les cultes protestants, évangéliques, orthodoxes, israélites et musulmans ont, me semble-t-il, pris plus de hauteur en acceptant de prendre leur part, dans la fraternité et la solidarité, à l'épreuve et la souffrance nationales.
*Mais revenons aux jeunes filles prévoyantes et à leurs compagnes insouciantes. Certaines paraboles de Jésus nous parlent facilement, quand elles ont un enseignement moral ou spirituel : le bon Samaritain qui vient au secours de son ennemi blessé, le bon grain de la Parole étouffé parmi les ronces et les épines de la convoitise et de l'égoïsme, etc. Ces paraboles nous disent quelque chose de la relation de l'homme à son Dieu, et des relations à nos frères et soeurs en humanité.
La parabole des jeunes filles prévoyantes qui ont emporté de l'huile en réserve pour leurs lampes évoque l'union du croyant avec le Christ sauveur. Ainsi, tel une jeune fille d'honneur à l'entrée de la salle d'un banquet de noces, qui attend avec ses compagnes, la lampe à la main, l'arrivée de l'époux qui se fait attendre dans la nuit, le croyant se sait invité à une rencontre de vie et d'amour, qui le réjouit par avance, qui lui tarde, et à laquelle il se prépare. « Mon âme a soif du Dieu vivant, quand le verrai-je face à face ? » chante le psaume de ce jour. Car l'Église attend la venue du Seigneur, et se réjouit que chaque jour qui passe la rapproche du Jour de cette entrée dans la salle des noces…
C'est pendant que toutes ces jeunes filles dorment que l'arrivée de l'époux est annoncée : il faut simplement comprendre ici que le Seigneur vient « comme un voleur », à l'improviste, au moment où on ne s'y attend pas.
*La traduction traditionnelle parlait de vierges sages et de vierges folles : cette traduction inactuelle avait l'avantage d'introduire l'idée de sagesse, cet art de conduire sa vie selon Dieu. « Celui qui cherche la Sagesse dès l'aurore ne se fatiguera pas : il la trouvera assise à sa porte. Penser à elle est la perfection du discernement, et celui qui veille à cause d'elle sera bientôt délivré du souci » expose la première lecture de ce dimanche
La scène de la création d'Adam peinte par Michel-Ange sur le plafond de la chapelle Sixtine montre une représentation peu connue de la Sagesse, figurée par une figure féminine que le Créateur tient enlacée par le cou. Dieu le Père y est représenté entouré par l’ellipse que dessinent son manteau céleste et les
anges qui le portent. Son doigt vient toucher le doigt d'Adam, signe que son souffle divin vient éveiller à la vie le premier homme – d'une beauté parfaite, créé à l'image de Dieu.
Et le Livre des Proverbes donne la parole à la Sagesse : « Le Seigneur m'a faite pour lui, principe de son action, première de ses oeuvres, depuis toujours. Avant les siècles j'ai été formée, dès le commencement, avant l'apparition de la terre. Quand les abîmes n'existaient pas encore, je fus enfantée, quand n'étaient pas les sources jaillissantes.… Quand il établissait les cieux, j'étais là, quand il traçait l'horizon à la surface de l'abîme… » (Pr, 8
Nous avons perdu peut-être la conscience de cette promesse du Christ qui annonce sa venue… Accueillons son appel à veiller, à ne pas nous assoupir : le Royaume de Dieu vient, mais déjà il se construit. L'huile de nos lampes est celle de l'Esprit d'amour que nous accueillons dans nos coeurs, sous le signe des sacrements. Cette vigilance que le Christ demande est celle de la prière, mais tout autant celle du service : « Ce que vous aurez fait au plus petit d'entre les miens, dit le Seigneur, c'est à moi que vous l'aurez fait. »