Père Christian Teysseyre | 6 novembre 2022
Ce qui caractérise l'homme, c'est notamment sa capacité de s'interroger sur son devenir après la mort. On constate en diverses civilisations et cultures anciennes les représentations d'un au-delà de la vie terrestre.
Au deuxième siècle avant Jésus-Christ, en Israël émerge la foi en la résurrection des morts. La première lecture extraite du Livre des Martyrs d'Israël exprime cette croyance. Nous avons entendu ces paroles de plusieurs des sept frères, acceptant précisément de mourir parce que cette croyance est l'objet de leur foi, ce qui leur donne le courage d'être fidèle. L'un dit : « Le roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle ». Un autre à son tour affirme : « Mieux vaut mourir de la main des hommes quand on attend la résurrection promise par Dieu ».
Du temps de Jésus, cette croyance fait son chemin. Mais tous n'y adhèrent pas. Il nous est dit que les Saducéens ne croyaient pas en la résurrection de morts. Non seulement Jésus affirme la résurrection des morts (ainsi, dans l'évangile de ce jour, on le voit débattre à ce sujet, en exégète du Père, s'appuyant sur Moïse). Mais il adoptera un positionnement personnel et décisif à ce sujet : notamment dans cette parole : « Moi je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, fût-il mort, vivra ».
Notre foi trouve dans cette formulation son objet primordial. La foi au christ ressuscité est le fondement de la foi chrétienne et la foi en notre propre résurrection en découle. L'apôtre Paul conjugue souvent ces deux approches, comme nous l'indique les textes de l'Écriture que nous lisons lors de funérailles. Par exemple : « Christ est ressuscité le troisième jour, voilà votre foi », « Dans le Christ nous ressusciterons », « Si le Christ n'est pas ressuscité, vaine est notre foi », « si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n'est pas ressuscité » (1 Co).
Dieu est la vie, Il est la source de toute vie. Il est le « Dieu des vivants » comme nous l'avons entendu, il y a un instant. Jésus n'a cessé d'annoncer la vie, de servir la vie, de vouloir faire vivre : « Je suis venu pour qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient en abondance ». Comment s'étonner que le message évangélique dont l'Église est dépositaire ne cesse en permanence d'appeler à la vie, de proclamer la dignité de toute vie et de réclamer les conditions requises pour servir la vie pour chaque personne et pour tout groupe humain, sans exception ou exclusion.
Jésus en affirmant que Dieu est le Dieu des vivants ajoute un propos déterminant : « Tous en effet vivent pour lui ». Dieu n'est pas le Dieu des morts. Il ne nous a pas faits pour la mort, mais pour la vie parce qu'il nous a faits pour lui. Non seulement nous vivons par lui, mais nous vivons pour lui.
Nous avons à nous demander ce qu'il en est de notre foi à ce sujet. La foi en la résurrection du Christ et en la nôtre, est-elle au cœur de notre existence, éclaire-t-elle nos chemins ? Trop de chrétiens réduisent leur adhésion à l'Évangile à un système de valeurs.
Mais le Christ n'est pas un système de valeurs. Il est la vie. Il est notre vie. Là est notre horizon et notre espérance en tout ce que nous vivons.
Nous sommes souvent privés d'avenir et d'espérance. Pour tant de nos contemporains et peut-être pour nous même, notre vie s'arrête avec notre mort. Notre vision païenne privée de transcendance, désormais sans dieu et sans éternité, s'enferme dans le jour le jour recherchant simplement quelque consolation pour supporter l'insupportable. Comme l'écrivait récemment une philosophe : nous avons remplacé le christianisme, religion du salut par une religion de la compensation et de la consolation. Nos réponses éthiques témoignent de ce rétrécissement de la vie et de cette perte de vie. Le pape Jean Paul II ne cessait jadis d'interroger notre culture de mort comme il disait. Cette culture est devenue dominante et la règle. Notre manière de penser et de vivre relève-t-elle de cette culture qui nous modèle ou de la foi au Christ qui nous ouvre en tout domaine à un « autrement ». Le croyons-nous lorsqu'il nous dit « Celui qui croit en moi vivra pour toujours ».
Osons choisir l'humilité de la foi, plutôt que les parades des railleurs, étrangers au mystère. L'éternité est au-delà de notre entendement et de notre capacité de représentation. Et en même temps nous pressentons que c'est le but et le sens de notre existence, ce pourquoi nous sommes faits, ce pourquoi Dieu nous a modelés dans sa tendresse, de ses mains paternelles, comme le chante un cantique. Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus, dans les derniers mois de sa vie terrestre où elle se trouve confrontée à 24 ans à un mal qui l'emportera dit au cœur de son épreuve et de son combat qui est aussi spirituel : « Je ne meurs pas, j'entre dans la vie. » Une attestation d'un vouloir vivre jusqu'au bout dans la dynamique de la vie divine.
Si les modalités et la réalisation nous échappent, cette certitude de recevoir du Christ la vie éternelle, reçue à notre baptême, accueillie ans l'aujourd'hui de nos existences et espérée pour toujours, cette certitude nous anime et nous conduit. Elle est notre raison de vivre.
Nous sommes renvoyés à une évaluation, à une interrogation :
Qu'est-ce que vivre ? Qu'est-ce que vivre vraiment ? Où en sommes-nous de la vie ?