Père Christian Teysseyre | 24 septembre 2023
Un appel généreux pour un accomplissement proposé à tous, en plénitude
Dans cette parabole, Jésus a plusieurs objectifs. Il a des enseignements à tiroir. Il développe deux grands thèmes et énonce un axiome qu'il reprend à plusieurs reprises. Tout cela découle du même récit, de la même parabole
La première partie met en scène l'appel des ouvriers par un maître.
Les caractéristiques :
– Ce ne sont pas les ouvriers qui cherchent un emploi, c'est le maître qui va chercher ses ouvriers.
– Il va à leur rencontre pour cela ; il va au-devant eux.
– L'essentiel, qu'ils consentent à accomplir la tâche. Avec les premiers, il s'est entendu sur le salaire, sur ce qui sera dû.
– Ce maître appelle sans cesse, tout le jour, du matin au soir, à toute heure des ouvriers à sa vigne. Le travail est immense
– C'est dire que chacun est appelé, chacun est nécessaire. Personne n'est laissé pour compte. Le maître s'étonne que certains soient là sans rien faire. Il y a du travail pour tous, en permanence.
Il y a toujours deux dimensions du temps dans l'histoire de l'appel de Dieu dans notre vie :
- Chacun a pu entendre cet appel, un jour, à une heure de sa vie et y répondre à ce moment. Que sommes-nous devenus ? Où en sommes-nous ?
- La réponse du Seigneur nous rencontre à tout instant, chaque jour, dans l'aujourd'hui de nos vies. Où en sommes-nous ?
La vie baptismale inscrit en nous cet appel à œuvrer pour le Christ par toute notre vie.
La seconde partie ouvre un autre volet. Il concerne la rétribution.
Jésus reprend à son compte cette notion juive. On la retrouve dans bien de ses enseignements avec cependant une approche nouvelle
Elle concerne la terre et le ciel, le maintenant et ce qui sera dans ce monde et dans l'autre. Elle a une dimension d'éternité. Elle sanctionne les actes de chacun. Jésus n'en donne aucune représentation concrète. Vous pouvez parcourir l'évangile et rechercher comment Jésus parle de la rétribution.
Relevons rapidement : le jugement dernier, la parabole du pauvre Lazare et du riche ou encore les paraboles sur les bons et mauvais fruits, sur l'ivraie et bon grain, les Béatitudes.
Cet aspect affleurait dès le début de notre parabole quand le maître promet de donner ce qui est juste au terme du labeur.
Ce que la rétribution recouvre se traduit en termes de récompense, de salaire, ce qui vient souligner la valeur et la reconnaissance qui résultent de ce que nous avons engagés. C'est aussi ce que l'on appelle le mérite, tout en sachant que le seul mérite qui nous sauve est celui du Christ, auxquels tous prennent part. Cette idée toute humaine qui touche au travail, à l'économie se retrouve pour ainsi dire dans l'économie du salut, c'est-à-dire ce que la théologie nomme la Révélation du dessein de Dieu sur l'humanité, que l'apôtre Paul a d'ailleurs largement développé : il s'agit de l'accomplissement du salut par la venue de Dieu en notre humanité et notre histoire, en Jésus le Christ, et par sa mort sur la croix.
Aujourd'hui nous sommes entre deux extrêmes,
-Ou nous sommes dans une tradition très catholique et une psychologie de la gratification plus que de la gratitude, du légitime retour pour ce que nous avons accompli. Ce qui veut dire qu'il y a un ciel, un accomplissement de l'existence qui sanctionne le bien accompli. Avec le risque d'instrumentaliser la grâce, le don de Dieu, un peu comme les enfants qui marchandent en demandant : si je fais cela, qu'est-ce que tu me donnes, avec le risque donc d'une vision égocentrée, possessive sur ce qui est à acquérir. On court le risque d'oublier l'œuvre de la grâce.
-Ou nous nous sommes écartés de la rétribution, et du ciel, excluant à nos actes leur dimension d'éternité et notre vocation à ressusciter avec le Christ. Nous sommes privés de toute vision relative à ce que l'on nomme les fins dernières. On comprend cela d'une société qui n'appartient plus à la foi chrétienne. Cela interroge quand il s'agit de chrétiens qui sont devenus étrangers à tout un pan de l'enseignement de la foi, de l'enseignement du Christ. Et ce phénomène n'est pas récent. Cela commence bien sûr avec des personnes qui se déclarent chrétiennes et ne croient pas en la résurrection du Christ et en la leur avec la place donnée au jugement personnel et au jugement dernier.
Jésus n'a pas changé l'approche au sujet de la rétribution.
A ce sujet, pour ceux qui le possèdent je vous renvoie au catéchisme de l'Église catholique ou à quelque bon ouvrage : que dit la foi du devenir de l'homme ?
L'axiome d'ailleurs ne vaut qu'avec la rétribution
Les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers.
Jésus cite cette parole comme évidente, sans l'expliquer, la fonder. Certes le contexte où il l'emploie nous donne à comprendre ce qu'il veut nous signifier.
Ici l'axiome se trouve réalisé dans la rétribution mise en œuvre.
Deux détails éclairent cela :
– il commence par les derniers ; c'est-à-dire la place des tout-petits, de ceux qui ne comptent pas, les derniers venus qui apparemment ont du le moins peiner.
– il donne autant aux derniers qu'aux premiers qui ne sont lésés en rien, puisqu'ils perçoivent le dû convenu.
Puis nous allons avoir l'explication et la pointe de la parabole avec le vif débat
qui s'instaure et la confrontation directe des ouvriers avec le maître : pourquoi agit-il ainsi ?
Le maître s'en explique. Il agit par bonté. Cette bonté est au-delà de la justice, au-delà de ce sui serait dû, au-delà du salaire, au-delà du mérite, et de toute comptabilité.
L'amour dépasse tous les comptes. Nous avons entendu récemment la réponse de Jésus à la question combien de fois faut-il pardonner ? Jésus répond tout simplement toujours, sans cesse. Dieu n'est pas comptable. Il donne largement à qui peut recevoir. Il donne en fonction de notre disposition à recevoir.
L'important c'est de réponde, d'œuvrer, pour reprendre un mot de Paul : d'arriver à faire un travail utile pour le service et la gloire de Dieu.
Nous sommes donc invités à nous faire un cœur accueillant à la bonté de Dieu, envers nous, envers les autres. Si nous le savons pour nous il nous sera certainement plus facile de l'entendre aussi pour les autres.
N'oublions pas ce que Dieu fait pour nous.
Réjouissons-nous de ce qu'il fait pour les autres.
Nous sommes invités à délaisser notre regard jaloux, envieux, mauvais ;
et à apprendre à vivre selon le cœur de Dieu, large et généreux.
Dieu n'est pas à notre mesure, à l'évidence.
« nos pensée en sont pas les pensées de Dieu, nos chemins ne sont pas ses chemins, énonçait le prophète Isaïe ».
Accueillir Dieu.
La grâce est un mot à résonance religieuse…sans cesse présent dans notre prière, nous te rendons grâce
N'oublions pas toutes les résonances voisines de ce terme : gratuité, gracieuseté, gratitude.
Dieu est don, cadeau, bonté, largesse.