Père Christian Teysseyre | 21 mai 2023
La gloire du Christ et nous
Au jour de l'ascension, tout est bouleversé : le ciel n'est plus l'espace inaccessible où se perd le regard plongé dans la transcendance et le désir de rencontrer Dieu, la terre n'est plus refermée sur elle-même dans son malheur et son impuissance, morcelée et éclatée. Dans le Christ ressuscité, le ciel et la terre se trouvent unis. Tout est habité par Dieu. Tout est transfiguré. « Le ciel et la terre sont remplis de la gloire de Dieu », comme nous le chantons après avoir proféré la louange de Dieu dans l'accomplissement de son dessein, au commencement de la prière eucharistique, le chant unanime de la terre et du ciel qui a pour nom le sanctus, le chant par excellence de la messe.
Ce dimanche nous invite à prolonger ce regard. L'humanité connaît son horizon, l'horizon de la vie éternelle.
Il est un maître mot qui apparaît au long des textes de ce jour et notamment de l'évangile, celui de « gloire ».
Ce mot peut nous paraître étrange. Et cependant il est un vocable primordial qui caractérise Dieu. L'étymologie du mot hébreu renvoie à ce qui a du poids. La gloire dit la plénitude. Dieu est plénitude de vie et d'amour.
Cette plénitude de vie et d'amour du Père s'est dévoilée dans le Christ. Et Jésus demande qu'il en soit ainsi : Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. Jésus n'a pas cessé de glorifier le Père, de nous manifester cette plénitude de vie et d'amour en accomplissant l'œuvre que le Père lui avait donnée. Nous avons là le sens véritable de la mission de Jésus.
Le Christ demande que le Père reconnaisse ce qu'il a accompli par amour du Père. Cette reconnaissance est essentielle ; car elle réalise leur mutuelle communion.
De même, le Christ est glorifié en nous par notre foi, par notre attachement à sa parole et par notre fidélité. C'est dire – que la plénitude de vie et d'amour dans le Christ ne cesse de se manifester aujourd'hui dans le monde, quand nous vivons du Christ, quand il vit en nous.
Il ne s'agit pas de nous contenter de vivre selon l'esprit du Christ et de l'évangile, de nous conformer à une doctrine et un enseignement, mais de vivre du Christ. C'est d'un autre ordre de relation. Le Père nous a confié chacun, chacune au Christ pour que nous vivions par lui.
C'est en cela, comme Jésus nous le dit, qu'il se trouve glorifié. La gloire du Christ, c'est l'amour ! C'est l'amour diffusé, répandu dans le monde.
Puissions-nous par notre vie avoir conscience que nous rendons gloire à Dieu, par Jésus, à cause de lui. C'est ce qu'exprime la lettre de l'apôtre Pierre.
Il y a bien des maux, de nombreux maux que nous portons, que nous subissons qui sont la conséquence du mal qui est à l'œuvre dans le monde, qui est aussi à l'œuvre en nous. Nous savons bien le déchainement du mal, ses ravages et ses destructions à l'échelle des peuples, des sociétés, de nos vie personnelles.
L'apôtre évoque d'autres souffrances, aussi présentes, celles que nous pouvons subir à cause du Christ et de notre nom de chrétiens, souffrances rencontrées à la suite du témoignage donné envers le Christ et l'évangile. Le Christ dans son enseignement n'a pas éludé que ses disciples connaîtraient le même sort que lui, celui de la croix. L'Église naissante, l'Église apostolique en a fait immédiatement l'expérience, et elle a eu conscience que cette souffrance était inséparable de l'être chrétien, inséparable du véritable amour.
D'ailleurs la lettre de Pierre paraphrase les Béatitudes : « Si l'on vous insulte pour le nom du Christ ; heureux êtes-vous, parce que l'Esprit de Dieu repose sur vous. Si c'est comme chrétien que l'un de vous souffre qu'il n'ait pas de honte et qu'il rende gloire à Dieu pour ce nom-là ».
Comment comprenons-nous cela ? Comment le vivons-nous ?
La plupart, nous sommes craintifs à vrai dire et peu pressés de payer le prix fort de notre attachement au Christ. Et pourtant nous voyons des vies simples avoir cet attachement indéfectible dans leur manière de vivre, les choix de vie, le don de soi, le refus des voix du monde, voix séductrices et complaisantes dans la prise en compte des requêtes individuelles à assouvir, érigées en droit à la face du monde et des autres. Ces vies simples nous bousculent et nous interrogent. Non, notre temps ne manque pas de témoins. Savons-nous les voir, les entendre ?
Le pape François observait il y a peu de temps que notre monde connaît plus de martyrs chrétiens de par le monde, que ceux des premiers siècles.
Il ajoutait : « Les martyrs transforment la violence de ceux qui refusent l’annonce en une occasion suprême d’amour ».
Je relève aussi comment l'Église a été marquée par la force de témoignages de ceux qui étaient les plus faibles, notamment les enfants. Ce n'est pas pour rien que le culte chrétien a gardé la mémoire d'adolescentes chrétiennes et du courage de leur foi : Sainte Agnès à Rome, Sainte Blandine à Lyon, Sainte Foi à Agen. Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus trouvait sa propre force dans leur exemple (Ste Agnès, sainte Cécile, sainte Jeanne d'Arc).
Aujourd'hui encore, le témoignage d'un évangile vivant nous parvient souvent de ceux et celles qui connaissent les épreuves de la vie, des fragilités qui affectent leur existence. Le Printemps de la diaconie nous le rappelait le week-end dernier. Les semeurs d'évangile ne sont pas nécessairement ceux qui parlent le plus fort dans le monde, ou dans l'Église, mais ceux qui vivent humblement à la suite du Christ.
C'est ainsi que le Christ ne cesse d'être glorifié.
Un texte de Blaise Pascal rencontré (donné en citation), a cette affirmation d'une force incroyable : « Tous les corps et tous les esprits ensemble et toutes leurs productions ne valent pas le moindre mouvement de charité. Cela est d'un ordre infiniment plus élevé ».
C'est cet ordre de l'amour infini que nous sommes invités à faire nôtre par-dessus tout.
L'ordre le plus élevé, à l'exemple du Christ, passe par le très-bas, « Il n'y a de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime ».
Telle est la gloire du Christ et notre gloire !