Père Christian Teysseyre | 1 novembre 2022
Le soupçon atteint toute chose et inscrit le déni. Nous pourrions nous demander : Y-a-t-il encore ne sainteté possible quand les contradictions les plus graves sont étalées, compromettant les bons fruits. Ne canonise-t-on pas trop rapidement des vies quand tel élément de leur existence peut faire question par la suite. On a vu ces questions posées récemment. D'autres questions peuvent surgir que chacun a pu ou peut se formuler. Elles peuvent aboutir à ces ruptures intérieures, où plus rien n'a de sens, où ce qui avait précédemment une cohérence se trouve défait, une foi déconstruite !
Nous sommes en permanence conduits à purifier nos raisons de croire. Souvent notre regard ne saisit que l'immédiat, la réalité humaine seule, dans ses contingences et ses limites
Il faut revenir à quelques points de repère premiers. Cinq réflexions :
1- Nous sommes faits pour Dieu. Nous tenons notre existence de Dieu. Nous tenons de lui notre vraie vie. Dieu nous appelle des ténèbres à son admirable lumière, aujourd'hui et pour l'éternité. Nous sommes créatures de Dieu, nous accueillons de Lui notre Vie. Comme nous le proclamons dans une préface « C'est de toi Dieu notre Père que nous tenons la vie, la croissance et l'être. Le prêtre poursuit en disant : « Dans cette existence de chaque jour que nous recevons de ta grâce, la vie éternelle est déjà commencée ».
2- Toute l'histoire de l'humanité est une histoire sainte. Nous nous inscrivons dans une longue marche de l'humanité vers la plénitude de Dieu, qu'on appelle ciel, Jérusalem céleste. Notre vie ne saurait se comprendre par notre seul parcours terrestre. Elle ne résume pas à un laps de temps, de la naissance à la tombe. Notre destinée : vivre dans la communion de Dieu pour toujours.
Une des préfaces proclame cela : « Tu as voulu réunir auprès de toi tes enfants que le péché avait éloignés ; et ce peuple qui tient son unité de la Trinité sainte, à la louange de ta sagesse infinie, c'est l'Église corps du Christ et temple de l'Esprit »
Le livre de l'apocalypse en première lecture nous a présenté cette assemblée du ciel, venant de la grande épreuve, maintenant tournée vers le Christ.
Le psaume en écho : voici le peuple immense de ceux qui t'ont cherché.
3- Le psalmiste dit : « Qui peut gravir la montagne du Seigneur et se tenir dans le lieu saint ? » Nous pourrions être tenté de lire cette question comme un aveu d'impuissance
En fait, le psalmiste ne doute pas. Il croit que ce chemin s'ouvre à celui qui marche dans la voie du Seigneur, en mettant en lui sa confiance. Ce chemin est toujours ouvert, toujours à parcourir, à reprendre.
4- Le seul saint est Dieu. La seule perfection est en Dieu. Souvent nous avons une vision et une visée toute humaine de la perfection. Et nous sommes déçus de ne pas l'atteindre, de ne pas correspondre à ce que nous cherchons à devenir, c'est-à dire d'atteindre l'image de nous-même que nous nous forgeons, alors qu'il nous faut inlassablement nous laisser construire et conduire par Dieu, comme en témoignent tant de vies. Laissons nos désillusions pour nous laisser façonner par Dieu, comme le publicain l'exprimait dans sa prière au temple en toute humilité, avec confiance. Vivre en enfants du Père, naître et renaître.
5- Saint Jean dans sa lettre (deuxième lecture) nous livre une certitude et une espérance : « ce que nous serons n'est pas encore manifesté. Nous le savons, quand cela sera manifesté, nous serons semblables à Dieu, car nous le verrons tel qu'il est ». Mettons en Dieu notre espérance. Avançons avec cette certitude au cœur, sans renoncer, sans nous décourager.
Demain nous commémorerons tous les fidèles défunts, tous appelés à la sainteté de Dieu, comme nous-mêmes.
Les rites funéraires et les symboles viennent dire ce que l'on croit de la vie au long de son parcours et après. Les symboles des sarcophages de l'antiquité chrétienne sont éclairants : le chrisme avec l'Alpha et l'Omega, monogramme du Christ, confession au Christ commencement et fin de toute chose ; le mot Pax, la paix de Dieu reçue en partage – représentée encore par la colombe ; l'image du bon berger portant sa brebis, le navire traversant les flots pour atteindre le port ; l'orant qui ne cesse de tourner vers Dieu dans son intercession ; le poisson – dont le terme grec Ixtus forme l'acrostiche, exprimant la foi en Jésus Sauveur. Tous ces symboles renvoient à la vie chrétienne, à toute la vie chrétienne du baptême jusqu'au passage ultime de la mort à la vie. La mort devient alors l'ultime et nouvelle naissance à notre vraie vie
Que disent aujourd'hui nos rites et nos symboles funéraires de ce que nous croyons ?
Quelles perspectives reçoit notre vie ? Quel est son horizon, foncièrement et à chaque instant ?
La foi ne va pas sans un langage et des représentations qui pour nous sont le reflet non seulement de ce que nous croyons et voulons croire, mais ce que Dieu nous a révélés. Cette lumière traverse le temps et transcende toute culture et tout moment de l'histoire de notre humanité.
Les creux de la vague ne doivent pas nous empêcher de savoir le port où nous allons.