Père Christian Teysseyre | 18 juin 2023
Disciples, devenons-nous apôtres ? Apôtres, faisons-nous des disciples ?
L'Église est fondée sur les apôtres, sur des compagnons immédiats de Jésus, qu'il a choisis, appelés et envoyés. Jésus ne s'est pas contenté de faire des disciples. A un moment, il fait des apôtres. Qu'est ce qui change ?
Le propre d'un disciple est de se mettre à l'école d'un maître spirituel, d'établir des liens d'affinité avec sa personne et son enseignement, le disciple se nourrit non seulement des enseignements du maître, mais aussi de la grâce qui émane de sa manière d'être. Bien des religions connaissent la figure du maître. Le christianisme a développé la relation maitre/disciple, à travers de nombreuses figues et notamment les pères du désert ou les grands fondateurs : saint Benoît, saint Bernard. Notre humanité est en recherche de maître spirituels. Le Christ ne cessera pas d'apparaître comme un maître qui nous sort des tous les sentiers parcourus. Il est le maître par excellence qui nous invite à marcher à sa suite.
D'ailleurs, nous sommes témoin de ces vies parties en quête de maîtres de par le monde, et qui sont revenues près de Jésus de Nazareth, écoutant d'une manière nouvelle ce qu'il dit, accueillant son être intérieur, son identité, écoutant sa voix, sa Parole.
Mais voilà ! Jésus ne s'est pas contenté d'appeler des disciples. A un moment, il veut des apôtres et dès lors il appelle à lui ceux qu'il destine à cette tâche. L'apôtre est un envoyé. C'est dire que Jésus fonde la communication de sa vie sur un envoi. Il y a là une particularité évidente qui fonde l'Église et qui verra son accomplissement au jour de la Pentecôte. Je ne perçois pas d'autres religions qui ait un tel rapport aux autres et à l'annonce, pour que tous puissent devenir disciples. Le disciple devient apôtre, l'apôtre fait des disciples.
Certes ici dans ce passage d'évangile nous n'abordons pas la terre entière ni n'allons à la rencontre de toutes les nations, comme le Ressuscité en donnera l'ordre ensuite. L'envoi ne concerne même pas les samaritains, mais seulement les brebis perdues de la maison d'Israël. A vrai dire c'est déjà beaucoup. Cela fait déjà beaucoup.
Le premier espace ou les chrétiens sont envoyés, c'est l'espace immédiat de leur vie, l'espace le plus proche.
Jésus définit la mission d'apôtre. Si celle-ci concerne toute l'Église, elle se concentre et s'origine dans le ministère apostolique de quelques-uns pour que toute l'Église précisément devienne apostolique.
Quelle est la raison profonde de cet appel et de cet envoi ?
Il s'agit de partager la compassion du Christ : « voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion envers elles, parce qu'elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger ». La mission d'apôtre ne repose pas sur le besoin d'organiser les communautés (il y aura pour cela des anciens, des chefs de communautés qui apparaîtront).
Il s'agit, ici, de partager la compassion du Christ, devant la misère des hommes.
Des apôtres se lèvent quand il est donné de partager le cœur du Christ et de perçoir les détresses et les faims des hommes. L'autre face, c'est précisément ce que Jésus nomme la moisson, ce qui est en train de lever, l'ouverture des cœurs, les attentes enfouies mises à jour.
Les apôtres appelés par le Christ sont invités à poser les actes du Christ, actes de guérison et de libération dans la rencontre personnelle, ceci d'une manière spécifique, en laissant le Christ aller – lui – à la rencontre de chacun, par la proximité engagée pour accompagner un relèvement ou dans l'action sacramentelle.
Les apôtres appelés par le Christ, sont invités à révéler l'amour du Christ pour tous, comme l'exprime l'apôtre Paul aux Romains, rappelant que le Christ est mort pour tous, pour les éloignés de Dieu, les impies que nous sommes.
L'enjeu ? Les lectures de ce jour nous le présente à travers deux réalités :
– Appartenir à Dieu. Le livre de l'exode nous rappelle que tous, nous sommes le domaine de Dieu, son royaume. En nos vies sa seigneurie demande à se manifester. Il ne s'agit pas seulement d'être avec Dieu, mais d'être pour lui, par lui.
– Jésus nous invite à trouver la vie, à porter la Bonne nouvelle de la Vie.
Ne regardons pas l'Église avec les yeux du monde, mais avec ceux du Christ. C'est alors que nous la comprendrons. Cela est encore plus vrai en ce temps de crise, chacun croyant disposer de sa trousse de secours bien équipée dans ce but.
Or il suffit l'Église soit ce que le Christ la fait et que nous œuvrions pour cela :
Tous sont envoyés. Et cependant quelques-uns reçoivent un appel particulier pour permettre cet éveil et la réalisation de la communion, et ainsi que tous deviennent un même corps, comme nous le rappelait la fête du Corps et du Sang du Christ, dimanche dernier.
« Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ». Cette parole est une clé pour définir le rôle de chacun en vérité à l'égard du Christ, comme à l'égard des autres. Nul ne dispose de ce qu'il a reçu, tant de la bonne nouvelle que de ceux qui lui sont confiés. La gratuité, Jésus l'a vécue. C'est la totale liberté qui conduit à la rencontre de chacun et n'enchaîne personne à soi-même. Relisons l'évangile, regardons comment Jésus s'adresse aux personnes rencontrées, comment il s'adresse à ses disciples.
Chacun des apôtres avait un nom. Nous entendons aussi un jour le nôtre pour ce qui nous est confié : un champ de mission découvert au cœur de notre existence ou ailleurs.
C'est tout à la fois l'appel qui germe au long de notre vie et d'une manière décisive à tel moment de notre existence, nous formulant ce que nous voulons faire de notre vie, mais c'est aussi l'appel immédiat rencontré à chaque instant et ce que nous en faisons.
Il est certain qu'aujourd'hui chacun est un pèlerin. Longs chemins à parcourir avant de percevoir un appel engageant une réponse plus entière et plus décisive.
L'homme au sac à dos, prénommé Henry, précisément un pèlerin, ne s'attendait à rien, au matin de ce jeudi 8 juin 2023 à Annecy, sinon de continuer sa route des cathédrales. Un rendez-vous lui était donné avec l'immédiat et avec le monde. Nous l'avons entendu en parler.
Pour nous pareillement l'appel surgit, inattendu. Il s'impose à nous de quelque façon, le plus souvent au cœur de l'imprévu. Où nous conduit-il ?