Réflexion…« C’est vraiment un temps essentiel qu’il faut préserver »…

Père Michel Pagès |  19 avril 2023

« On veut escamoter ce temps. On veut anticiper la mort ou être endormi dans les derniers moments. On considère que bien mourir, c’est mourir dans son sommeil, rapidement, sans déranger les autres…Or, « le temps du mourir » est précieux. Les derniers échanges qu’un mourant peut avoir avec ses proches lui permettent souvent de partir apaisé et aident les autres à « vivre un deuil » différent. N’oublions pas la rupture anthropologique qu’a constituée l’interdiction des visites lors de la crise du Covid 19. De nombreuses familles ont été privées des rituels d’adieu. Les dernières paroles et les derniers gestes sont irremplaçables. Ce sont des temps de méditation sur la finitude, une confrontation de chacun à sa propre mort…Les personnes âgées s’interrogent aussi sur le sens et l’utilité de leur existence. Leur crainte est d’être considérées un jour comme un poids pour la société…Nous vivons dans une société jeuniste qui valorise la performance, la rentabilité, l’efficacité et les personnes âgées le perçoivent très bien. Une loi, sans cesse retardée, sur « le grand âge » est un mauvais signal d’autant qu’il est maintenant question d’une loi sur la fin de vie. Par peur de la mort, nous voulons l’anticiper. Faire face à la mort et rester vivant jusqu’au bout n’est pas toujours facile dans un monde qui dénie la mort et qui valorise l’autonomie et la maîtrise sur sa vie. Cette volonté de maîtrise est une façon de faire face à sa peur. Or, c’est surtout une volonté de bien-portants. Plus on approche de la fin de sa vie et plus, en général, on y tient. Dans les soins palliatifs, les personnes ont un grand besoin de vérité. Certains lâchent prise, d’autres ont besoin de temps pour vivre des choses importantes, il peut y avoir un regain de vitalité, une appétence relationnelle, une envie de rencontrer des gens, de boucler la bouche avec eux…Le temps qu’il reste à quelqu’un dépend du mystère des corps et des échéances intimes de chacun. Souvent ce sont les mourants qui aident les vivants. C’est vraiment un temps essentiel qu’il faut préserver »     Marie de Hennezel, psychologue clinicienne, spécialiste des soins palliatifs