Père Lizier de Bardies | 29 janvier 2018 | parole

Dans l'évangile de ce dimanche Jésus est interpellé par des démons, à travers la bouche d'un homme «tourmenté par un esprit impur». La foule, elle, rapporte saint Marc, est stupéfiée et séduite par la nouveauté de l'enseignement de Jésus et son autorité. – Reconnaissons que ce récit nous paraît bien éloigné de notre monde contemporain : où aujourd'hui, ailleurs que dans les fictions cinématographiques, entend-on des démons interpeller le Christ ? Et, en matière religieuse ou morale, qui aujourd'hui semble attendre de recevoir un enseignement, proclamé, en plus, « avec autorité » ?
Mais il faut décrypter l'évangile, car la Parole de Dieu s'inscrit aujourd'hui encore dans nos vies : le Christ est le même, hier aujourd'hui et toujours.
Le mal et l'agression sont à l'œuvre aussi dans notre monde. Le pape Jean-Paul II employait l'expression de « culture de mort ». Le Christ est interpellé par les démons chaque fois que sont méprisés, menacés ou maltraités ceux qui mènent un combat pour la dignité de la personne, le respect de la vie humaine, la protection des faibles, le refus de la froide logique du profit. Mais aussi, le Christ est interpellé par les démons chaque fois que l'Église est rejetée, lorsqu'elle dénonce par exemple l'organisation de l'affaiblissement de la famille, l'égoïsme frileux de tant de pays riches face aux drames des migrations, le cancer de la corruption, ou l'injustice sociale à laquelle nous finissons par devenir insensibles. Le Christ est interpellé par les démons chaque fois que nous-mêmes sommes tentés, dans notre esprit, de pactiser avec la malhonnêteté, avec le mensonge, avec toutes les formes de la lâcheté… La grande leçon de cet évangile est qu'il n'y a pas de vie chrétienne sans détermination pour le Christ, et donc sans combat.
Et c'est là que ce serait un grand manque d'espérance, ou le péché contre l'Esprit, de cesser d'annoncer la bonne nouvelle du salut, par crainte que la parole du Christ ne touche plus les cœurs, trop endurcis. Car la part de souffrance et de mensonge que véhicule notre monde dessine comme en creux l'attente de l'amour et de la vérité du Christ. Et quand la personne du Christ vivant est réellement rencontrée dans sa Parole, dans l'amour d'un frère, dans un sacrement, dans un moment de prière, ou même – pourquoi pas – à travers un programme télévisé, le même étonnement, le même accueil que celui de l'évangile d'aujourd'hui se fait jour : cet homme a l'autorité de Dieu, celle qui libère et fait grandir… À travers cette brèche le lent travail de la grâce commence.
Par sa vie, par sa parole, par ses choix, chaque baptisé est appelé à rendre le Christ présent : ne désertons pas, à notre place unique à chacun, le combat de la justice, de la vérité et de l'amour vrai.
P. Lizier de Bardies, recteur